Affaire Bettencourt : Banier condamné, Woerth relaxé

françois marie banier 1280
François-Marie Banier à son arrivée au tribunal correctionnel de Bordeaux, le 28 mai 2015. © AFP
  • Copié
et Noémie Schulz avec AFP , modifié à
JUSTICE - François-Marie Banier, confident de Liliane Bettencourt, et Patrice de Maistre, son ancien gestionnaire de fortune, ont été condamnés jeudi à de lourdes peines. Eric Woerth a, lui, été relaxé dans les deux volets de l'affaire.

Le tribunal correctionnel de Bordeaux a rendu son jugement, jeudi, dans les deux volets du procès Bettencourt pour "abus de faiblesse" et "trafic d'influence". Parmi les dix prévenus, tous ont été reconnus coupables à l'exception de l'ancien ministre du Budget, Eric Woerth, qui été relaxé. Le photographe mondain François-Marie Banier, ancien confident de Liliane Bettencourt, et Patrice de Maistre, ex-gestionnaire de la richissime héritière de L'Oréal, ont écopé de peines de prison ferme pour "abus de faiblesse" au détriment de la milliardaire et "blanchiment". 

 

Mise à jour, le 09/06/15 : Sept prévenus font appel 

La quasi-totalité des prévenus condamnés dans ce dossier ont fait appel du jugement du tribunal correctionnel. Hormis l'ex-ministre UMP Eric Woerth, relaxé des poursuites pour "recel" dans ce volet de l'affaire Bettencourt, et l'entrepreneur audiovisuel Stéphane Courbit, condamné à 250.000 euros d'amende pour "abus de faiblesse" sur la milliardaire, tous les prévenus jugés de fin janvier à fin février à Bordeaux ont fait appel, de même que le ministère public. La date du procès en appel des sept prévenus concernés n'est pas encore connue.

  • Premier volet de l'affaire, pour "abus de faiblesse"

Deux ans et demi de prison ferme pour Banier, le confident. Principal prévenu dans ce volet de l'affaire, examiné en janvier et février dernier, François-Marie Banier a été reconnu coupable du délit d'abus de faiblesse à l'encontre de Liliane Bettencourt. L'ami intime de la vieille dame a été condamné à trois ans de prison ferme dont six mois avec sursis. Il est également condamné à verser une amende de 350.000 euros ainsi que 158 millions de dommages et intérêts à l'héritière de l'Oréal.
Son compagnon, Martin d'Orgeval, a lui aussi été déclaré coupable d'abus de faiblesse et de blanchiment et condamné à 18 mois prison avec sursis ainsi qu'à 150 000 euros d'amende.

Le tribunal n'a pas cru à la version donnée par François-Marie Banier : celle d'une amitié entre une vieille femme s'ennuyant et un photographe fantasque et désintéressé, qui ne pouvait pas refuser les cadeaux de la milliardaire. Pour les juges au contraire, l'homme est manipulateur qui savait la "particulière vulnérabilité" de Liliane Bettencourt, âgée aujourd'hui de 92 ans. Un "gourou" qui pour mieux isoler sa proie, la noyait de mails et de fax quotidiens.

L'avocat de François-Marie Banier, Laurent Merlet, a assuré au micro d'Europe 1 que son client était "abattu par cette décision extrêmement sévère", mais aussi "très combatif et pas vraiment surpris". Avant d'estimer que le tribunal n'avait pas réussi à "se départir de ses préjugés", rendant "une décision sans nuances".

18 mois de prison ferme pour De Maistre, le gestionnaire de fortune. Condamnation sévère également pour Patrice de Maistre, reconnu coupable d'abus de faiblesse et de blanchiment. L'ancien gestionnaire de fortune de l'héritière de l'Oréal, qui avait Liliane Bettencourt à sa merci et n'a pas hésité à lui demander d'énormes sommes d'argent, a été condamné à 30 mois de prison, dont 12 avec sursis, et à 250 000 euros d'amende. Il devra rembourser 12 millions d'euros à son ancienne patronne.

Présents à Bordeaux pour l'énoncé du jugement, François-Marie Banier et Patrice de Maistre ont annoncé leur intention de faire appel de ces condamnations, à peine inférieures aux réquisitions prononcées en février dernier.

Eric Woerth, relaxé. L'ancien ministre du Budget, Eric Woerth, a été relaxé par le tribunal qui a suivi les réquisitions du parquet. Le député UMP est donc définitivement blanchi dans cette affaire, puisqu'il a également été relaxé de toute responsabilité dans le deuxième volet "trafic d'influence" pour lequel il avait comparu en mars dernier.

Et les autres ? Les juges ont notamment passé outre les réquisitions de relaxe concernant l'avocat Pascal Wilhelm, successeur de Patrice de Maistre auprès de Liliane Bettencourt, et condamné à la même peine que son prédécesseur. Lui, devra verser 2,9 millions d'euros à l'héritière de l'Oréal.

Moindre sévérité en revanche pour l'homme d'affaires Stéphane Courbit, qui avait in extremis trouvé un arrangement avec la famille Bettencourt à la veille du procès en lui remboursant 143 millions d'euros investis dans sa société LOV Group. Alors que le procureur n'avait relevé contre lui aucun fait "gravement préjudiciable" à Liliane Bettencourt, il devra verser 250.000 euros d'amende, mais échappe à la prison.

Enfin, l'ex-gestionnaire de l'île seychelloise des Bettencourt, Carlos Cassina Vejarano, a été condamné à 18 mois de prison dont neuf avec sursis et 250.000 euros d'amende. Il devra verser 5,6 millions d'euros à Liliane Bettencourt. Les notaires Jean-Michel Normand et Patrice Bonduelle ont, quant à eux, écopé de peine de prison avec sursis et d'amende jusqu'à 100.000 euros. Le premier devra, qui plus est, verser à Liliane Bettencourt plusieurs millions d'euros solidairement avec François-Marie Banier, Patrice de Maistre et Martin d'Orgeval.

  • Deuxième volet de l'affaire, pour "trafic d'influence"

Woerth et De Maistre relaxés. Par ailleurs, dans le deuxième volet de cette tentaculaire affaire, celui pour "trafic d'influence", le tribunal correctionnel de Bordeaux a relaxé l'ex-ministre UMP Éric Woerth et l'ancien gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt, Patrice de Maistre.

Jugés en mars, les deux hommes, qui niaient formellement, étaient poursuivis pour avoir conclu un arrangement selon lequel Éric Woerth, alors ministre de Nicolas Sarkozy, aurait remis la légion d'honneur à Patrice de Maistre. En échange, ce dernier était soupçonné d'avoir fait embaucher l'épouse du ministre, Florence Woerth, dans sa société qui gérait les dividendes de Liliane Bettencourt, la richissime héritière de L'Oréal. Le procureur avait lui-même requis la relaxe, "faute d'éléments à charge suffisants".

Pas assez d'éléments à charge. Le président du tribunal, Denis Roucou, a expliqué qu'"il peut exister un intérêt personnel pour Patrice de Maistre de recruter Florence Woerth alors que son mari est devenu ministre" et que "la carrière de Florence Woerth a bien été évoquée entre les deux hommes". "Pour autant, le recrutement de Florence Woerth ne pouvait dépendre de la seule décision de Patrice de Maistre" car l'agrément de Liliane Bettencourt devait également être recueilli, a souligné le tribunal.

Pour les juges, le seul fait qui pourrait être retenu, c'est qu'Eric Woerth a demandé au gestionnaire de fortune de recevoir sa femme, mais c'est "un élément extrêmement ténu pour caractériser le trafic d'influence".