Leurs témoignages étaient très attendus. Alors que la dernière semaine du procès de Daniel Legrand fils s’est ouvert lundi à Rennes, cinq des treize acquittés du plus grand fiasco judiciaire français ont défilé à la barre. Entre colère, tristesse et amertume, les acquittés ont raconté leur vie désormais marquée au fer rouge par Outreau. Tous ont affirmé avoir la certitude de ne pas connaître Daniel Legrand fils.
Le cri de colère de David Brunet. C’est le premier des acquittés à se présenter à la barre. Il est entendu par vidéoconférence mais sa colère est intacte. David Brunet vit toujours à Outreau où il est actuellement intérimaire paysagiste. "C’est une histoire que je n’arrive pas à évacuer", commence-t-il. Accusé d’avoir violé son fils Anthony, l’homme raconte que Myriam Badaoui et Thierry Delay, le couple infernal condamné pour le viol de leurs enfants, étaient de "simples voisins". Mais ses mots les plus marquants, il les réserve pour Jonathan Delay, l’un des quatre fils de Myriam Badaoui, partie civile dans le procès, qui l'avait accusé de viols. "Vis ta vie, profite, deviens un homme : vis bordel ! Vis, on n’a qu’une vie… La vie est tellement courte, tellement dure". Le jeune homme de 20 ans ne lui a pas répondu.
"Une descente aux enfers". Outre la colère, les acquittés venus témoigner ont aussi fait part du calvaire qu’a été Outreau. Sandrine Lavier, qui intervenait aussi par vidéoconférence a ainsi comparé, en larmes, son implication dans l’affaire à une "descente aux enfers". Après son acquittement, elle raconte qu’elle "est tombée en dépression" et qu’elle a traversé "une période très dure"". Son mari, Franck Lavier qui a fait 36 mois de prison, témoignera peu après : "tous les jours où je me couche, je repense à l’affaire". "Mon fils a 19 ans aujourd’hui : il y a 11 ans, il témoignait au tribunal de Saint-Omer, mon fils est détruit… Il n’a pas de travail, de diplôme, tout est arrêté", a raconté pour sa part Karine Duchochois, l’ex-compagne de David Brunet.
Le juge Burgaud dans toutes les têtes. Dans toutes les mémoires des acquittés, il y a aussi et bien sûr un homme : le juge Burgaud. L’ancien juge d’instruction, désigné comme le principal responsable de ce fiasco judiciaire, revient très souvent dans la bouche des acquittés notamment chez Karine Duchochois. "Pour moi, l’affaire Outreau est un jeu maléfique entre Myriam Badaoui et Fabrice Burgaud", débute-t-elle avant d’expliquer qu’il "n’y avait pas d’humanité du tout chez lui". Elle décrit encore un homme "complètement fermé" qui "n’écoutait pas". Thierry Dausque qui fréquentait à l’époque des faits une voisine de Thierry Delai et de Myriam Badaoui raconte, lui, les menaces du juge d’instruction. Celui qui a fait trois ans et deux mois de détention explique qu’il a été menacé par le juge Burgaud alors qu’il clamait son innocence. "Réfléchissez bien, parce que pour vous c’est 20 ans!", lui aurait-il dit.