C’est la dernière ligne droite. Le procès de Daniel Legrand fils, l'un des treize "acquittés d'Outreau", entre lundi dans sa troisième semaine d’audience, avec l’audition attendue de Dimitri Delay, petit dernier des garçons du couple Badaoui-Delay, violés par leurs parents. L’occasion de faire un bilan des deux premières semaines d’audience qui ont plongé, jusqu'à la lie, les protagonistes de l’affaire dans les méandres d'un fiasco qui, en deux procès en 2004 et 2005, avait déjà profondément ébranlé l'institution judiciaire.
Daniel Legrand fils, l'un des 13 acquittés d'Outreau, est jugé devant la cour d'assises des mineurs d'Ille-et-Vilaine pour des viols sur les enfants Delay, qu'il aurait commis alors qu'il avait moins de 18 ans. Des faits identiques à ceux pour lesquels il a été acquitté en 2005. Son procès prend fin vendredi.
L’audition de Dimitri Delay attendue. Lundi, c’est le dernier des fils Delay, Dimitri, qui doit être entendu. Lui aussi constitué partie civile dans ce procès, il aurait dû être auditionné la semaine dernière, mais son état psychologique ne le permettait pas. Pour le dernier acte de ce procès, les dix autres acquittés d’Outreau encore vivants viendront aussi témoigner lundi et mardi. A la barre, ce sont donc "la boulangère" Roselyne Godard ou encore Dominique Wiel "le curé" de l’affaire qui resurgiront… En attendant le verdict, vendredi.
Legrand fils disculpé par tous. Comme un métronome implacable, sans surprise, ce troisième procès d'Outreau a démarré par une redite de ceux de Saint-Omer en 2004 et de l'appel de 2005 à Paris, au terme desquels 13 des 17 accusés avaient été acquittés. L'un après l'autre, les quatre condamnés dans l’affaire pour les viols des quatre fils Delay ont assuré que Daniel Legrand n'était pas coupable de viols sur ces enfants. Leur père Thierry, leur mère Myriam Badaoui, puis leurs anciens voisins, David Delplanque et Aurélie Grenon, on ainsi affirmé que Legrand fils n'était pas là, qu'ils ne le connaissaient pas avant l'instruction...
Le juge Burgaud chargé par Myriam Badaoui. Mercredi dernier, Myriam Badaoui a disculpé Daniel Legrand en pleurant. "Ce jeune-là, je le connais ni d'Eve ni d'Adam, on l'a retiré de son enfance à cause de mes mensonges... pas que les miens mais surtout les miens", a déclaré la mère incestueuse, prise par l'émotion dès le début de son témoignage. La veille, son ex-mari, Thierry Delay, avait lui aussi déclaré ne pas connaître l’accusé qui comparaît aujourd’hui pour des faits présumément commis lorsqu’il était mineur.
Celle qui fut surnommée la "reine Myriam" a par ailleurs critiqué lourdement le juge Fabrice Burgaud, qui a mené l’instruction du dossier Outreau, et lui-même mis à mal par les questions du président de la cour, lors de son audition au quatrième jour du procès. "Lorsque je disais la vérité, le juge n'était pas content, il tapait du poing sur le bureau et il m'a parlé de Daniel Legrand en me montrant des photos, il m'a dit qu'il avait eu un problème en Belgique...", a-t-elle raconté, faisant référence au meurtre d'une fillette belge qu'inventera Legrand fils, par dépit.
Un certain "Dany Legrand". Au fil des témoignages sur l'engrenage qui a conduit deux hommes, Daniel Legrand et son père homonyme, à être accusés et emprisonnés, la salle d’audience a été prise de vertige. Tout commence avec cette histoire de "Dany Legrand en Belgique" qui apparaît, plusieurs mois après le début de l'enquête, sur une liste d'agresseurs retranscrite par l'assistante familiale d'un des enfants Delay. Et leur mère Myriam Badaoui qui confirme à l'époque, questionnée par le magistrat Burgaud : "Le juge m'a montré des photos, il m'a cité sur les photos les gens dont les enfants avaient parlé...", a-t-elle raconté mercredi. Elle brodera pourtant un profil qui ne correspond en rien aux Legrand arrêtés.
"Je savais pas quoi dire, j’ai inventé". Enfin, vendredi, Daniel Legrand fils a été confronté aux "aveux" qu’il avait faits durant l’instruction, avant de se rétracter quelques semaines plus tard. Agé de 20 ans à l'époque, il avait fait soudainement des "aveux" fracassants, fin 2001, - après avoir nié toutes les accusations. Non seulement sur sa participation à des viols, mais surtout, sur un meurtre de fillette lors d'une orgie. "Je savais pas quoi dire, j'ai inventé...", a-t-il expliqué, vendredi dernier, réaffirmant son innocence. "Je pensais qu'elle allait craquer, je me suis dit : je vais prouver qu'elle est la menteuse", a-t-il ajouté en parlant de Myriam Badaoui. Cette dernière avoua avoir menti, dès 2004, et Daniel Legrand a été acquitté en 2005 des accusations portant sur la période postérieure à ses 18 ans.
Confrontation houleuse entre les fils Delay et leurs parents. Et au cœur de cette étrange ambiance, s'est aussi manifestée la vraie souffrance des fils Delay, notamment Chérif, l’aîné, et Jonathan, troisième de la fratrie. Les deux jeunes hommes, violés par leurs parents et un couple de voisin, ont eu de la peine à contenir leur émotion et leur colère lors des auditions de leurs parents. "Est-ce que tu confirmes qu’il n’y avait pas d’autres adultes ? Est-ce que tu as le courage de le dire ?", a lancé à son père Jonathan qui, tout comme son grand frère, accuse Daniel Legrand fils d'être l'un des auteurs des agressions sexuelles qu'il a subies dans son enfance. Quant à Chérif, il a tenu tête à son père, qu'il n'avait pas revu depuis dix ans : "T’es dans mes cauchemars et pourtant, quand je te vois, je n’ai plus peur. Tu me fais pitié", a-t-il lâché du haut de ses 25 ans. Avant, fou de colère, d’insulter Thierry Delay devant la cour : "T’es qu’une merde".