Les médias chiliens la surnomment "Comandante Ana". Mais Marie-Emmanuelle Verhoeven, dans un entretien donné au Parisien, mardi, le martèle : "Je n'ai rien à voir avec l'affaire Guzmán", "la comandante Ana n'existe pas". Soupçonnée par la justice chilienne d'avoir fomenté l'assassinat d'un sénateur proche du dictateur Pinochet, en 1991, la Française traverse un véritable cauchemar. Faisant l'objet d'un mandat d'arrêt international, la Française a été incarcérée en Inde, en février 2015. Fin juin, elle a été libérée sous contrôle judiciaire, mais demeure dans l'attente de l'examen de son extradition vers le Chili.
- Que lui reproche-t-on ?
Marie-Emmanuelle Verhoeven est soupçonnée par le Chili d'avoir été l'un des membres de tête du mouvement du Front patriotique Manuel Rodriguez (FPMR), branche armée du parti communiste chilien. C'est ce commando d'extrême gauche qui a abattu le sénateur de droite Jaime Guzmán, en avril 1991, alors que le pays entamait sa transition démocratique. Professeur de droit et avocat, Jaime Guzmán le cerveau de l'assassinat du sénateur. Raison pour laquelle, depuis janvier 2014, le Chili a lancé un mandat d'arrêt international contre elle et réclame son extradition. La Française, elle, a toujours nié ces accusations et dénonce, dans les colonnes, du Parisien "un montage judiciaire".
Marie-Emmanuelle Verhoeven explique "ces fausses accusations", selon ses termes auprès de l'AFP, par l'arrivée au pouvoir, en 2010, de Sebastian Pinera de l'Union Démocratique Indépendante (UDI). D'après elle, ce parti ultra-conservateur fondé par Jaime Guzmán souhaite couvrir les exactions commises pendant la dictature. "Ce qu'ils veulent c'est dire que tous les gens qui ont lutté contre la dictature étaient des grands terroristes", ajoute-t-elle.
- Quel est son parcours ?
Originaire de Nantes, Marie-Emmanuelle Verhoeven a vécu dix ans au Chili, de 1985 à 1995. D'après un exilé chilien tenant à rester anonyme, et qui témoignait auprès de Rue 89, Marie-Emmanuelle Verhoeven rencontre un Chilien, à Nantes, en 1983. Selon Ouest-France, la Nantaise faisait alors partie de comités de soutien locaux à l’Amérique latine, comme le comité de solidarité avec le Nicaragua. Ensemble, ils rallient le pays d'Amérique du Sud en 1985. Là-bas, elle rencontre son second mari, un homme engagé à gauche. La Française, pro-Allende, aurait ensuite, selon certains amis de l'époque, vadrouillé au Nicaragua, où elle aurait alors rencontré des membres influents du FPMR. "Oui, j'étais à gauche. Oui, j'ai été hostile à la dictature de Pinochet. […] Mais je n'ai jamais fait partie du FPMR", assure-t-elle au Parisien.
Peu après le retour de la démocratie au Chili, la Française travaille à l'administration pénitentiaire, sur le transfert des prisonniers politiques dans une prison de haute sécurité. Elle rencontre y deux membres d'une branche dissidente du FPMR, incarcérés pour l'assassinat du sénateur. "Ils ont toujours dit que c'était eux, jamais dit que c'était d'autres. Le chef du commando a dit que c'était sa responsabilité", souligne t-elle auprès de l'AFP, après sa libération en Inde. Alors quand un ancien policier voit en elle la "Comandante Ana", Marie-Emmanuelle Verhoeven balaie cette accusation : "Si j'avais été un grand commandant, qu'est-ce que j'aurais été faire à la prison pour travailler auprès des gens qui avaient assassiné? C'est aberrant!"
- Arrêtée en Allemagne, puis en Inde.
Après avoir divorcé, elle rentre en France en 1995. "A mon retour du Chili en France, j'ai mené une vie ordinaire et tranquille", assure-t-elle. Elle confirme toutefois avoir "accéléré [son] retour en France", se savant suivie, surveillée. En 2011, d'après Ouest-France, elle vivait dans la commune de Saint-Herblain, en périphérie de Nantes. Mais en janvier 2014, la Française est interpellée une première fois à l'aéroport d'Hambourg, en Allemagne, sur demande de la justice chilienne. Mais l'Allemagne refusera d'extrader Marie-Emmanuelle Verhoeven vers le Chili et la quinquagénaire sera libérée en juin. En février 2015, alors qu'elle se rendait en Inde afin d'accomplir "un pèlerinage bouddhiste", elle est arrêtée à la frontière indo-népalaise par Interpol. La Française est alors visée par une "notice rouge" de l'organisation internationale de la police, annulée depuis.
Détenue à New Delhi dans la prison de Tihar, la plus grande d'Asie, la Française a été libérée sous contrôle judiciaire, le 24 juin dernier. Elle avait entamé, une dizaine de jours auparavant, une grève de la faim illimitée pour exiger sa libération. "Cette liberté me redonne une liberté de parole qui est, je crois, ma meilleure protection", se réjouit-elle. Pour autant, cette libération n'est qu'une première étape, puisque l'Inde doit désormais statuer sur son extradition, que le Chili réclame. Auprès du Parisien, Marie-Emmanuelle Verhoeven confie : "Je voudrais que cette histoire finisse".