Il a enchainé, trente ans durant, plus de 700 contrats d'intérim pour la même entreprise. Sans jamais avoir été régularisé. Cet homme attaque, mercredi, le géant de l'intérim Manpower devant les prud'hommes de Bobigny.
Il voulait un CDI pour faire venir sa famille. Ce Malien de 55 ans a commencé à travailler pour Placoplatre dès 1982, dès son arrivée en France. Entre 1982 et décembre 2013, il a réalisé pas moins de "703 missions" de travail temporaire dans cette même entreprise, allant de deux jours à plusieurs mois, et "toujours au profit de Placoplatre", a indiqué son avocat, Harold Lafond.
Que dit la législation ?
Selon le Code du travail, le contrat d'intérim, "quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice".
"Un bon soldat". "Le matin, il se rendait chez Manpower et il embauchait le jour même" sur un site de production du groupe de matériaux de construction en Seine-Saint-Denis, ajoute le conseil. "C'était un bon soldat. […] Des années, il est resté sans vacances", enchaînant les missions.
Intérimaire et étranger, dépendant de son travail pour obtenir le renouvellement de son titre de séjour, "c'est le genre de personnes qui endurent et ne se plaignent pas", estime, quant à lui, Régis Verbeke, le syndicaliste de Force Ouvrière (FO) qui l'a épaulé. Fin 2013, le travailleur précaire est mis à la porte parce qu'il "avait simplement demandé à être en CDI", raconte ce délégué syndical central chez Manpower.
Une requalification en CDI. Manutentionnaire, puis cariste, l'intérimaire voulait obtenir un contrat stable pour avoir le droit de faire venir sa femme et ses enfants en France, a précisé Régis Verbeke. Outre Manpower, l’intérimaire a également assigné le groupe Placoplatre aux prud'hommes et demande donc la requalification de ses missions d'intérim en contrat à durée indéterminée.
Concrètement, cela ne lui permettrait pas de retrouver son travail, mais il espère en revanche pouvoir toucher plusieurs dizaines de milliers d'euros d'indemnités. D'autres intérimaires sont dans des situations comparables mais craignent, s'ils saisissent la justice, de perdre leur emploi, a par ailleurs souligné le syndicaliste. Interrogé, Manpower a refusé de s'exprimer avant l'audience et Placoplatre n'a pas donné suite.