Une enquête a été ouverte pour assassinat après la mort d'une professeure d'espagnol, poignardée mercredi dans sa classe à Saint-Jean-de-Luz dans les Pyrénées-Atlantiques par un élève présenté comme instable psychologiquement, un drame rarissime en France. "Il s'est approché d'elle et lui a planté un grand couteau dans la poitrine, sans rien dire", a raconté à l'AFP Inès, 16 ans, qui se trouvait dans la classe de seconde du collège-lycée privé catholique Saint-Thomas d'Aquin au moment des faits, survenus en milieu de matinée.
Jamais eu de problèmes entre l'élève et la professeure
"On ne savait pas comment réagir, il y a un élève qui a ouvert la porte et on est tous partis. Moi je me suis enfuie, je suis sortie de l'établissement et le père d'une copine est venue me récupérer, je ne me sentais pas en sécurité dans le lycée", a-t-elle ajouté, assurant qu'il "n'y avait jamais eu de problème entre" l'auteur de l'agression "et la professeure en classe".
La victime, que les secours n'ont pu ranimer, est une enseignante de 52 ans selon le parquet. "Il s'agit d'une professeure d'espagnol qui était dans cet établissement depuis longtemps. Elle était consciencieuse", a déclaré à l'AFP Serge Hastoy, délégué FEP-CFDT du Pays Basque. Le ministre de l'Éducation nationale, Pap Ndiaye, venu sur les lieux, a salué "l'exceptionnel dévouement" de cette enseignante et son "engagement au service de ses élèves".
Des propos jugés "incohérents"
L'auteur présumé de l'agression, âgé de 16 ans, a été "placé en garde à vue" et "n'était pas connu des services de police, ni des services de justice", selon le procureur de Bayonne, Jérôme Bourrier, qui a ouvert une enquête pour "assassinat". "Son état permet la garde à vue" dans les locaux de la police judiciaire de Bayonne, a-t-il précisé, alors que deux sources proches du dossier ont évoqué à l'AFP un jeune homme tenant "des propos incohérents" et aux "troubles psy avérés".
"A ma connaissance, il n'y avait pas de circonstances ou de signalements particuliers", a précisé Pap Ndiaye lors d'une conférence de presse organisée devant l'établissement, aux côtés de son homologue de la Fonction publique Stanislas Guerini et de Jérôme Bourrier.
"La Nation est aux côtés" des professeures, tweet Macron
"C'est un jour triste pour l'Éducation nationale", a ajouté le ministre qui a annoncé qu'une minute de silence serait respectée jeudi à 15 heures dans les collèges et lycées du pays qui ne sont pas actuellement en période de congés scolaires. "La Nation est à vos côtés", a déclaré le président Emmanuel Macron à l'adresse de la communauté éducative sur Twitter.
L'assassinat d’une enseignante à Saint-Jean-de-Luz nous remplit d’une intense émotion. Je partage la douleur de sa famille, de ses collègues, de ses élèves, de nos enseignants qui consacrent leur vie à transmettre le savoir aux générations futures. La Nation est à vos côtés.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) February 22, 2023
La cheffe du gouvernement Élisabeth Borne partageait "le choc et la peine de la communauté éducative" du collège-lycée Saint-Thomas d'Aquin.
Après le drame survenu à Saint-Jean-de-Luz, je partage le choc et la peine de la communauté éducative du lycée Saint-Thomas d’Aquin et de toute la Nation.
— Élisabeth BORNE (@Elisabeth_Borne) February 22, 2023
Toutes mes pensées vont à la victime, à sa famille et ses proches, à ses collègues, aux élèves.
Cet établissement privé catholique d'un peu plus de 1.100 élèves était jusqu'ici "calme" et "réputé pour son sérieux et pour la sérénité de son climat scolaire", selon Pap Ndiaye. Après avoir été confinés durant environ deux heures dans leurs salles de cours, les élèves sont sortis de l'établissement à la mi-journée, à l'exception de ceux de la classe de l'enseignante décédée, qui ont quitté les lieux deux heures plus tard, a constaté une correspondante de l'AFP. Ils ont été pris en charge par une cellule psychologique, tout comme les élèves des deux autres classes de seconde de l'établissement. La matinée de jeudi sera également "banalisée", a indiqué Pap Ndiaye.
"Ça peut arriver à n'importe quel enseignant"
Maha Bargueche, professeure de mathématiques en région parisienne qui passe des vacances au Pays basque, est venue déposer un bouquet de fleurs devant l'établissement "en signe de soutien". "Je suis très triste, ça aurait pu m'arriver, ça peut arriver à n'importe quel enseignant. C'est pour ça que je suis venue aussitôt", a-t-elle déclaré. C'est la première fois qu'un enseignant est tué dans ses fonctions en France depuis l'assassinat de Samuel Paty, professeur d'histoire-géographie décapité le 16 octobre 2020 par un jeune homme islamiste radicalisé.
Les agressions sont fréquentes mais l'AFP a recensé moins d'une dizaine de meurtres sur les quatre dernières décennies. En juillet 2014, une institutrice de 34 ans avait été poignardée à mort par la mère d'une élève dans une école d'Albi. En août 1996, alors qu'il se promenait à la feria de Dax, un professeur d'anglais de 51 ans avait été tué par deux jeunes, dont un de ses élèves recalé au baccalauréat. Mgr Marc Aillet, évêque de Bayonne, s'est dit "très touché de la sollicitude des autorités" en arrivant sur les lieux pour exprimer "toute (s)a compassion et toute (s)a prière pour cette famille sous le choc d'un événement impensable et qui n'aurait jamais dû avoir lieu".