Une opération policière et douanière contre les dealers mais aussi contre les consommateurs de drogue a eu lieu mercredi après-midi à Saint-Ouen. Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur, veut mettre fin au commerce de la drogue dont cette commune, située au nord-ouest de Paris, est victime. Dans une interview accordée jeudi au Parisien, le ministre détaille les mesures censées mettre fin aux violences qui gâchent le quotidien des habitants : plus de vidéosurveillance et un renforcement de la présence policière.
56 acheteurs contrôlés. "Une opération conjointe de la police et des douanes est déployée depuis hier après-midi à Saint-Ouen. Elle cible non seulement les vendeurs mais aussi les consommateurs", a indiqué le ministre de l'Intérieur. À la clé, 56 acheteurs contrôlés dont 49 ont du s'acquitter d'une amende, rapporte le journal. Saint-Ouen est en effet devenu depuis une dizaine d'années une plaque tournante de la drogue en Île-de-France, avec des acheteurs qui viennent par centaines se fournir en métro et des trafiquants qui opèrent au grand jour.
"On ne peut pas accepter que des habitants des quartiers plus favorisés viennent tranquillement s'approvisionner en produits prohibés, perturbant la vie locale et contribuant à la dégradation de l'ordre et de la tranquillité publique", estime Bernard Cazeneuve qui annonce aussi "sans les dévoiler", des "opérations de police" dans les jours qui viennent.
12 caméras et 50 policiers en plus. Au-delà des opérations coup de poing, le ministre de l'Intérieur souhaite perturber sur le long-terme l'activité des dealers. Il annonce l'installation de "12 nouvelles caméras" "au sein de la ZSP" de Saint-Ouen (zone de sécurité prioritaire). Parmi les nouvelles mesures en faveur de la sécurité à Saint-Ouen, Bernard Cazeneuve assure aussi que "près de 50 policiers des compagnies républicaines de sécurité seront présents en permanence sur la ville".
Des habitants excédés. Pour les habitants historiques de Saint-Ouen faire la chasse aux consommateurs n'est pas forcément la meilleure solution pour éradiquer ce trafic. Claude, qui assiste tous les jours au manège des dealers, témoigne au micro d'Europe 1 : "Ils sont sur le trottoir et ils attendent le client. Ils sont toujours là. Vous vous rendez compte de ce qu'ils gagnent par jour ? Bien sûr les consommateurs viennent, mais ce sont les dealers qu'il faut mettre en prison."
"Ces contrôles vont recréer de la tension". Dimanche dernier, une centaine de résidents de la commune se sont réunis à l'appel d'un collectif de mères de familles, "Saint-Ouen debout", afin de dire "stop" aux violences. Pour l'une d'elles, Salika, "il fallait effectivement une réponse d'urgence, mais cela ne peut pas être la réponse unique". Cette mère de famille insiste auprès d'Europe 1 : "On veut autre chose. Sinon dans trois mois, quand la police, les CRS, quitteront le terrain, on reviendra à la même situation. La réponse de Monsieur Cazeneuve n'est pas satisfaisante. Ces contrôles successifs de jeunes vont recréer de la tension, cela va de nouveau partir en vrille."
Une rencontre entre les Audoniens et Bernard Cazeneuve ? En réalité, les habitants de Saint-Ouen attendent une réponse globale, avec la mise en place de moyens éducatifs et associatifs. De plus, ils s'interrogent sur le classement de leur ville en zone de sécurité prioritaire : quels sont les résultats de ce dispositif mis en place à Saint-Ouen depuis trois ans ? Aujourd'hui, ils souhaitent rencontrer le ministre de l'Intérieur pour lui présenter toute une série de propositions, leurs solutions pour sortir leur ville de la crise.
Ces dernières semaines en effet, la guerre des territoires entre dealeurs semblait avoir repris. Fin avril, une série de fusillades a touché Saint-Ouen, faisant trois blessés parmi des acheteurs présumés. Début mai, le maire divers droite de la commune, William Delannoy, et le député socialiste Bruno Le Roux avaient été reçus au ministère de l'Intérieur.