Le tunnel sous la Manche a été totalement bloqué de mardi après-midi à mercredi matin, après que son gestionnaire, Eurotunnel, a annoncé avoir interrompu le trafic dans les deux sens en raison d'un incendie sur les voies. Aucun accident grave n'a pourtant eu lieu sur les rails : ce sont les marins de MyFerryLink, en conflit avec Eurotunnel, qui ont décidé de hausser le ton et d'incendier des pneus pour se faire entendre. Le trafic a repris mercredi matin, a annoncé Eurostar.
Le trafic interrompu après une intrusion. Le trafic a été suspendu en raison de pneus brûlés placés par des marins de MyFerryLink sur les voies du terminal près de la gare de Fréthun, dans le Pas-de-Calais, a rapporté Eurotunnel. "Il y a eu une intrusion de personnes en grève du port qui sont rentrées dans notre terminal, se sont mises sur les voies et ont fait brûler des pneus", a précisé une porte-parole d'Eurotunnel. Ces 200 marins ont ensuite été délogés par les CRS, mais les gestionnaires du trafic ont préféré ne pas faire repartir les trains dans la foulée, le temps d'inspecter l'état des rails à l'endroit où des pneus avaient été incendiés.
Pourquoi les marins de MyFerryLink en veulent-ils à Eurotunnel ? Tout simplement parce qu'ils s'estiment trahi par leur ancien partenaire, Eurotunnel. Pour comprendre pourquoi la survie de la compagnie de transport maritime MyFerryLink dépend d'Eurotunnel, il faut remonter à l'été 2012. Placée en liquidation judiciaire, la société SeaFrance, l'ancêtre de MyFerryLink, est rachetée par Eurotunnel. Ce dernier devient propriétaire des bateaux de SeaFrance mais n'étant pas un spécialiste du transport maritime, il confie la gestion de ces bateaux et des liaisons entre la France et le Royaume-Uni à une société coopérative et participative (Scop) créée par des anciens de SeaFrance.
Côté français, cet attelage a été applaudi, permettant à la fois de sauver des emplois décisifs pour la région de Calais tout en faisant la démonstration que des anciens employés peuvent relancer leur société sous la forme d'une coopérative. Un enthousiasme pas du tout partagé de l'autre côté de la Manche : pour le Royaume-Uni, Eurotunnel a alors acquis une situation de quasi-monopole sur les liaisons transmanche et peut fixer les tarifs qu'il souhaite. Eurotunnel est donc poursuivi depuis 2013 par l'Autorité de la concurrence et des marchés (CMA) britannique. Début juin, Eurotunnel jette l'éponge et annonce mettre en vente deux de ses trois bateaux, mais la Scop n'ayant pas les moyens de les racheter, c'est le danois DFDS qui a raflé ma mise. Les anciens de SeaFrance se retrouvent donc à nouveau dans l'incertitude après avoir bataillé pour sauver leurs emplois.
Une journée commando pour interpeller le gouvernement. La vente des deux bateaux n'est cependant pas totalement bouclée : les repreneurs intéressés ont jusqu’à mercredi 15 heures pour se manifester et surenchérir. Les salariés de la Scop ont donc décidé de se faire entendre mardi pour faire monter la pression. D'abord en bloquant le port de Calais puis le tunnel sous la Manche.
"Le gouvernement français doit faire pression sur (le PDG d'Eurotunnel Jacques) Gounon", a déclaré à l'AFP le secrétaire général du Syndicat maritime Nord Eric Vercoutre, avant d'ajouter : "on demande que la position de la Scop SeaFrance soit vue. On a été trahis". Principale source d'inquiétude : l'emploi. Régulièrement, les syndicats avancent le chiffre de 120 salariés repris par DFDS, alors que la Scop compte 600 employés.