"Les pédophiles sont souvent d'anciennes victimes", analysait en avril dernier le neuropsychiatre Serge Bornstein, au micro d'Europe 1. Un exemple récent vient accréditer cette thèse du scientifique et expert près la cour d'appel de Paris. Un homme de 64 ans, condamné pour des faits de pédophilie en 2002, a fait récemment condamner l'homme qu'il accuse de l'avoir perverti, il y a plus de 50 ans : un prêtre aumônier pédophile. Et son avocat veut aller plus loin, comme le révélait RTL lundi, en attaquant le Vatican.
"Le virus de la pédophilie est là". Les faits dénoncés par le sexagénaire se produisent au début des années 60, dans un lycée de Bourg-en-Bresse, dans l'Ain, alors qu'il n'est âgé que de 12 ans. Le prêtre y est alors aumônier. "Vous avez un jeune adolescent âgé de 12-14 ans, qui est pris en affection par un prêtre. C'est un prêtre pédophile et il profite de l'affection de ce garçon pour l'agresser sexuellement", raconte au micro d'Europe 1 son avocat, Me Emmanuel Ludo. "Ce jeune homme va essayer de mener une vie normale. Il se marie et a des enfants. Mais le virus de la pédophilie est là et il va commettre des infractions puisqu'il est condamné pour des attouchements sexuels", poursuit-il.
"50 ans plus tard, la prescription n'est pas acquise". Le jeune garçon devenu grand est donc condamné en 2002. "Au sortir de cette condamnation, sa vie familiale est pulvérisée, sa vie professionnelle est détruite. Il est seul", explique Me Ludo. L'homme doit se soigner et se reconstruire. "Son thérapeute va le convaincre que sa thérapie passe par la recherche de ce prêtre pédophile et sa condamnation", rapporte l'avocat. "50 ans plus tard, les faits sont prescrits pénalement, depuis longtemps. Mais civilement, il faut considérer que la prescription n'est pas acquise et c'est la raison pour laquelle j'ai réussi à le faire condamner", raconte l'avocat. Ainsi, le tribunal de Nantua a récemment condamné l'ancien aumônier, aujourd'hui retraité et âgé de 82 ans, pour "agression sexuelle". Ce dernier a dû verser 1 euro symbolique à sa victime devenu bourreaux.
Il demande 50.000 euros au Vatican. Mais l'avocat et son client ne veulent pas s'arrêter là. Et si tous les chemins mènent à Rome, celui-ci pousse les deux hommes jusqu'au Vatican. Selon l'avocat, le Saint-Siège aurait protégé le prêtre quand le poids des accusations de pédophilie se faisait de plus en plus pesant. Le Vatican l'aurait ainsi déplacé en Suisse dans les années 70, où un poste lui a été taillé sur mesure. Ce n'est qu'à l'âge de la retraite que le curé rejoint la France. Et Me Ludo espère désormais obtenir réparation pour son client : une indemnisation de 50.000 euros.
"J'ai fait partir une demande d'indemnisation auprès du Saint-Siège, considérant que le Vatican avait une responsabilité qui me paraît claire. Dans la mesure où c'est le Vatican qui couvre souvent les agissements de ces prêtres et qui les déplace en fonction des dangers qu'ils peuvent représenter, je considère qu'il faut maintenant indemniser", argumente l'avocat.
La pédophilie et la lente réaction du Saint-Siège. Une affaire qui prend tout son sens à la lumière de la dernière décision prise par le pape François en matière de lutte contre la pédophilie dans l'Eglise. Le 10 juin dernier, le souverain pontife a en effet créé une instance judiciaire chargée de juger les évêques qui auraient couvert des abus sexuels commis par des prêtres dans leur diocèse. Un premier procès devait même se tenir en début de mois. Cependant, aucune mesure concernant une indemnisation des victimes n'avait été mentionnée. Pour l'heure, la demande de Me Ludo est restée lettre morte.