Plus qu’une belle histoire, il s’agit avant tout d’une drôle d’histoire. Vendredi matin, le très respectable Guardian met à sa Une quatre captures d’écran qui montrent un accident de la circulation en apparence (et malheureusement) assez banal dans les rues de Londres. On y voit un cycliste à terre, mis au sol par un ‘’dooring’’, soit une ouverture de porte intempestive. Un homme à costume et à cravate parme vient alors aider la ‘’victime’’ à se relever et les deux se séparent, peut-être bons amis mais au moins sur une poignée de mains. C’est ce que raconte l’article. L’histoire aurait pu en rester là, sauf que l’homme en costume n’est autre que Chris Grayling, secrétaire d’État aux Transports du gouvernement de Theresa May…
Le secrétaire d’État aux Transports provoque un accident :
‘’Le bon cyclisme est un cyclisme responsable’’. L’accident a eu lieu le 12 octobre dernier et avait été filmé par un autre cycliste qui suivait la victime, âgée de 35 ans. La courte vidéo qui en est issu n’a émergé que cette semaine car le vidéaste amateur a reconnu le passager maladroit (et dangereux)… à la télévision. Les médias britanniques se sont évidemment gaussés de la douce ironie de la chose, d’autant que, dans une interview publiée le 6 décembre dernier, soit un mois après les faits, Chris Grayling avait lâché : ‘’Les automobilistes à Londres doivent faire énormément attention aux cyclistes.’’
Quelques remords, peut-être ? Et peut-être un début d’explication, quelques lignes plus loin. ‘’Je ne pense pas que les pistes cyclables à Londres aient été bien dessinées comme elles auraient dû l’être. Il y a des endroits où elles causent peut-être trop de problèmes aux usagers de la route et où elles auraient pu être dessinées d’une meilleure façon.’’ Un peu plus loin, il voit plus loin et franchit la ligne jaune : ‘’Les cyclistes à Londres sont trop souvent peu disposés à obéir aux panneaux routiers. (…) La croissance du cyclisme est une bonne chose. Mais le bon cyclisme est un cyclisme responsable.’’
Des poursuites judiciaires ? Même si le secrétaire d’État est descendu de voiture et s’est excusé, l’affaire risque de ne pas en rester là. En effet, Chris Grayling a quitté très rapidement la scène de l’accident, sans laisser ses coordonnées, ce qui fait que le malheureux cycliste a découvert l’identité du conducteur bien après… ‘’Il a dit une chose, c’est que je roulais trop vite, ce qui est faux’’, a réagi Jaiqi Liu, la victime. ‘’Dans sa bouche, c’était de ma faute.’’
Le droit ne dit pas la même chose et Chris Grayling pourrait même devoir faire face à des poursuites judiciaires. Dans le Road Traffic Act de 1988, il est écrit : ‘’Personne ne doit ouvrir, ou permettre d’ouvrir, la porte d’un véhicule sur la route qui mettrait en danger ou blesserait quelqu’un.’’ Mais ça, Chris Grayling doit le savoir : il a été secrétaire d’État à la justice.