Elle était l'une des six secrétaires d'un des dirigeants nazis les plus puissants. Pendant la Seconde Guerre mondiale, Brunhilde Pomsel a travaillé pendant trois ans au service de Joseph Goebbels, le ministre de la propagande sous le IIIe Reich. Aujourd'hui âgée de 105 ans, parce qu'il lui "reste peu de temps à vivre", elle a décidé de se confier dans un documentaire, A German Life, diffusé dernièrement au festival du film de Munich, mais aussi dans les colonnes du Guardian.
"Je ne faisais qu'écrire". C'est en 1942 que celle qui n'est alors que secrétaire au sein d'une radio est recrutée pour travailler au Ministère de la propagande. Cela fait alors neuf ans qu'Adolf Hitler dirige l'Allemagne, appliquant un régime de terreur dans le pays et une politique d'élimination envers ceux qu'il estime des intrus à la race dite "aryenne" : juifs, tziganes, noirs, communistes, homosexuels, handicapés. Alors que la guerre contre l'Europe que les Nazis veulent soumettre a commencé deux ans auparavant, Brunhilde Pomsel devient l'une des secrétaires de Joseph Goebbels, aussi ministre de "l'éducation du peuple" et antisémite farouche.
Contre un salaire élevé en ce temps de guerre et de restrictions (275 marks), Brunhilde Pomsel, 31 ans alors, va être la dactylo de cette tête pensante du IIIe Reich. Mais, selon ses dires, elle n'a été qu'une petite main : "je ne faisais qu’écrire à la machine dans le bureau de Goebbels". Pour la journaliste qui l'a interrogée, "si elle admet avoir été au cœur de la machine à propagande nazie, elle en parle, presque bizarrement, comme d’un travail comme un autre".
"Au courant de rien". Alors que 70 années ont passé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, Brunhilde Pomsel explique qu'elle a tout ignoré des horreurs pratiquées par le régime nazi : "je sais que personne ne nous croit jamais ces jours-ci, tout le monde pense que nous étions au courant de tout. Nous n’étions au courant de rien, tout était gardé secret". Concernant la déportation des juifs, envoyés en camps de concentration, puis d'extermination avec la Solution finale instaurée en 1942, la secrétaire a cru une version plus édulcorée qui circulait alors à l'époque : leur transfert dans des villages en Tchécoslovaquie. "Nous y croyions, nous l’avons gobé. C’était entièrement plausible", a-t-elle estimé auprès du Guardian, refusant d'admettre qu'elle avait été naïve. Pourtant, elle a vu des gens "disparaître" comme une de ses amies qui était juive ou encore un présentateur de radio très populaire, envoyé dans un camp car homosexuel.
"Rien de mauvais" en Goebbels. Au sujet de Goebbels, "il n'y avait rien de mauvais à dire sur lui", se rappelle la dame âgée. Et elle en a gardé une image plutôt positive : une "élégance noble", "des costumes avec les meilleurs tissus". Le ministre et sa famille ont aussi "toujours été très bons pour moi", se remémore Brunhilde Pomsel. À la nouvelle de leur suicide en 1945 au lendemain de celui d'Hitler, elle est "stupéfaite". Au sortir de la guerre, elle n'a rien caché de ses fonctions, ce qui lui a valu cinq ans de prison. Mais elle semble déplorer que les générations d'après guerre jugent sans savoir : "les gens aujourd’hui qui disent qu’ils auraient tenu tête aux nazis, je pense qu’ils sont sincères en disant cela, mais croyez-moi, la plupart ne l’auraient pas fait".