Au micro d'Europe 1, Vincent Desportes, professeur de stratégie à Sciences Po et HEC, décrypte les enjeux de la nouvelle course à l'armement.
Le 6 août 1945, la ville d’Hiroshima était partiellement détruite par le premier bombardement atomique de l’histoire. 74 ans plus tard, l’arme nucléaire, détenue par au moins huit pays à travers le monde dont la France, reste un enjeu majeur de domination géopolitique. Alors que la fin de la Guerre froide a été marquée par la signature de nombreux traités de non-prolifération et de désarmement, l’émergence de nouveaux acteurs, comme la Chine, redéfinit l’équilibre mondial, et pousse les vieilles puissances à agir pour maintenir leur statut.
"L’ordre du monde s’est affaibli", relève ainsi au micro de Sébastien Krebs, sur Europe 1, le général Vincent Desportes, professeur de stratégie à Sciences Po et HEC. "Aujourd’hui, on sort complètement de la période de désarmement pour entrer dans un espace de réarmement nucléaire."
L'arme nucléaire, un moyen d'exister face aux nouvelles puissances économiques et militaires
"La récente sortie des Etats-Unis du dernier traité de limitation des armes de portée moyenne, qui faisait suite à la crise des euromissiles, dans les années 1980, montre que désormais les grandes puissances sont reparties vers un réarmement nucléaire extrêmement dangereux pour la paix du monde", poursuit cet ancien directeur de l’Ecole de Guerre. "Tant la Chine, tant la Russie que les Etats-Unis se disent qu’ils doivent trouver des moyens pour continuer à faire jeu égal, et ne pas se retrouver distancés."
Pour ce militaire, la menace nucléaire reste une réalité, plus de sept décennies après la dernière utilisation d'une arme de ce genre sur des populations civiles. "Les armes ne dissuadent que parce qu’elles peuvent agir", explique-t-il. "Elles peuvent être utilisées tout de suite, ou demain matin. […] On ne doit pas imaginer qu'il s'agit d'armes destinées à ne pas être employées", martèle le général Vincent Desportes. "Tout conflit majeur entre grandes nations peut devenir un conflit nucléaire, c’est pour ça qu’il est urgent d’en revenir à ce désarmement qui a marqué la fin de la Guerre froide."
Un rôle de modérateur pour l'Europe
Pour ce spécialiste de stratégie militaire, la France, seule nation européenne à posséder l'arme nucléaire, et plus largement l'Union européenne peuvent jouer un rôle de modérateur dans la course au réarmement. "L’autonomie stratégique européenne passera peu ou prou par une espèce de mise en commun de cette arme nucléaire française", explique-t-il. "Les grand Etats européens doivent se lancer rapidement dans la création d’une défense européenne pour et par l’Europe, mais également pour le reste du monde."
"L’Europe doit jouer son rôle de régulateur du monde, dans un monde où les organisations internationales ne sont plus capables de jouer le rôle qu’elles avaient avant le retrait américain", conclut-il.