Les chrétiens d'Irak semblent aujourd'hui condamnés à l'exil. Les frappes américaines contre les positions de l'Etat islamique (EI) dans le pays se sont poursuivies pour le troisième jour de suite. De leur côté, les forces kurdes regagnent terrain sur les djihadistes, en reprenant deux localités situées au sud-ouest d'Erbil, la capitale du Kurdistan irakien. Une ville submergée de réfugiés, notamment par des milliers de chrétiens qui dorment dans les églises de la ville. Certains ont vu de près l'horreur de l'Etat islamique. Précipités sur la route de l'exode, ils s'interrogent sur l'existence même de leur communauté dans ce pays.
Europe 1 est allée à leur rencontre au sein de l'église Saint-Joseph d'Erbil. Reportage.
>> Les images de Walid Berrissoul, envoyé spécial d'Europe1 à Erbil
Entassés dans un ancien funérarium. Une cinquantaine de familles s'entassent dans l'ancien funérarium transformé en dortoir de fortune. Assises sur des tapis, des femmes pincent leurs chemises de nuit pour montrer qu'elles n'ont rien pris d'autre avec elles. Leur ville de Karakoch, la plus grande cité chrétienne d'Irak, près de Mossoul, dans le nord du pays, s'est vidée de ses 47.000 habitants en moins de douze heures.
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"Ils ont cassé des crucifix devant moi". Youssef est parti parmi les derniers. Dans sa fuite, l'homme est tombé sur une brigade de l'Etat islamique. "Ils m'ont dit, 'tu dois te convertir à l'islam'. Et je leur ai répondu, 'mais comment voulez-vous ? Il n'y a aucune différence entre un chrétien et un musulman'", raconte-t-il au micro d'Europe 1. "Ils m'ont attaché et m'ont emmené à l'église. Ils ont cassé des crucifix devant moi puis ils m'ont battu jusqu'au sang. Ils ont cru que j'étais mort et ils m'ont jeté derrière l'église", confie Youssef.
Plus loin, une mère de famille s'installe dans un coin, soulagée de ne plus avoir à dormir dans le parc attenant à l'édifice religieux. Elle fond en larmes en montrant son petit garçon : "c'est mon fils de 11 ans, il n'a jamais connu la tranquillité dans ce pays. La rentrée scolaire est fixée au mois prochain et je ne sais même pas s'il pourra retourner un jour à l'école", pleure-t-elle.
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Émigrer, pour "sauver l'être humain". Dans la cour, les haut-parleurs diffusent la messe de l'archevêque en Araméen, la langue du christ. "Nous en sommes les héritiers directs", sourie avec fierté le père Anis Ana, qui ne se fait plus de grandes illusions quant à l'avenir des chrétiens d'Irak. "Il faut, soit qu'ils retournent chez eux, soit qu'ils trouvent une autre solution, qui est bien sur difficile : c'est l'émigration", regrette-t-il au micro d'Europe 1."Cela veut dire vider le pays de ses chrétiens, mais en même temps, si c'est la seule solution, qu'il en soit en ainsi : il faut sauver l'être humain".
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"Émigrer" : c'est bien ce que souhaitent aujourd'hui tous ces réfugiés, dont les vies interrompues ne sont plus rythmées que par la cloche de l'église Saint-Joseph.