Le chef de l’Autorité palestinienne. Mahmoud Abbas va remettre vendredi soir la demande d’adhésion de l’Etat palestinien à l’ONU. Quels sont les enjeux de cette demande ? Sébastien Boussois, chercheur associé à l’Université libre de Bruxelles et spécialiste de la question israélo-palestinienne, a répondu à Europe1.fr.
Quel est le but de la demande d’adhésion de Mahmoud Abbas à l’ONU ? Cette demande est le résultat d’une impasse : on n’est jamais parvenu à résoudre le conflit israélo-palestinien de manière durable. Mais depuis la formation d’un gouvernement d’extrême-droite en Israël, avec le Premier ministre Benjamin Netanyahou et le ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman, le blocage s’est considérablement accentué. Mahmoud Abbas a tenté de faire appel à la communauté internationale, comme lorsqu’elle avait approuvé la création d’un Etat juif en 1947. Car il ne voyait plus de solutions sur le terrain.
Quelles pourraient être les conséquences pour Mahmoud Abbas de ce coup de poker politique ? Quelle que soit l’issue de cette demande, Mahmoud Abbas en retirera forcément une victoire symbolique. Avec l’énorme couverture médiatique de son geste, il a permis de remettre la Palestine au premier plan. Les Palestiniens lui en seront forcément redevables. Le Hamas a critiqué l’initiative de Mahmoud Abbas, en disant que ce n’était pas assez. Le mouvement ["de résistance islamique", ndlr] ne s’est toutefois pas opposé frontalement, c’est plus une posture de principe, pour montrer qu’il n’entre pas dans le jeu des institutions internationales.
Cela pose également la question de l’évolution des relations internationales : les membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU ont-ils vocation à l’être encore longtemps ? Cela pose aussi le problème du déclin progressif des Etats-Unis.
En jouant son va-tout, Mahmoud Abbas ne risque-t-il pas de bloquer plus encore la situation sur le terrain ? La situation ne peut pas être bloquée davantage. Depuis l’échec des négociations de Camp David II, en 2000, puis la construction du Mur, on a à faire à deux sociétés qui ne se parlent plus. Et depuis qu’il est au pouvoir, Benjamin Netanyahou a toujours refusé de stopper la colonisation israélienne, malgré les appels de la communauté internationale. Or les Palestiniens refusent de céder sur la colonisation.
Concrètement, quelles vont être les conséquences pour les Palestiniens ? La demande de Mahmoud Abbas risque d’attiser la montée des tensions entre les deux camps. On peut imaginer que cette étincelle fasse exploser la situation déjà très tendue entre les colons et le peuple palestinien. La police israélienne est déjà sur les dents en attendant le discours de Mahmoud Abbas (vendredi soir ndlr). Mais les Palestiniens savent que la violence ne leur a jamais rien apporté sauf le renforcement de la colonisation, comme pendant la deuxième Intifada (les événements ayant marqué le soulèvement des Palestiniens depuis septembre 2000).
Je suis allé dans les territoires palestiniens récemment, les gens sont épuisés de cette situation. Ils ont un sentiment profond de lassitude, l’impression de pas être vraiment soutenus, ni par les Etats-Unis, ni même vraiment par les pays arabes. Et ça, ce ne sera pas réglé dans un an comme l’a prétendu Nicolas Sarkozy dans son discours à l’ONU.
Nicolas Sarkozy a proposé, lors de ce même discours, que l’Etat palestinien entre à l’ONU comme pays observateur. Ça changerait quoi ? Observateur ou membre, le plus important est que la Palestine soit reconnue comme un Etat aux yeux de la communauté internationale. A partir de là, il y aurait des conséquences juridiques importantes. La Palestine pourrait traîner Israël devant la Cour pénale internationale pour la colonisation.
Mais bien sûr, cette proposition de Nicolas Sarkozy est politique, stratégique et diplomatique. C’est un pis-aller pour, tout en maintenant le lien particulier qu’il a avec Israël, éviter de se mettre à dos les Etats du printemps arabe. Pour l’instant la Palestine rejette cette alternative, mais il n’est pas exclu qu’après avoir échoué à devenir membre du Conseil de sécurité de l’ONU, Abbas se rabatte sur cette solution.