La déclaration. "Objectivement, connaissant le FMI [Fonds monétaire international] et le fonctionnement des instances de ce type, j'ai tendance à considérer que si [Christine Lagarde] était mise en examen, sans doute, on lui demanderait de quitter ses fonctions". Cette phrase a été glissée par la porte-parole du gouvernement Najat-Vallaud Belkacem jeudi matin sur BFMTV. Mais que risque vraiment Christine Lagarde dans l'affaire Tapie ?
Lagarde sommée de s'expliquer. Directrice générale du FMI depuis juin 2011, Christine Lagarde était auditionnée jeudi devant la Cour de justice de la République sur son rôle dans l'affaire du Crédit Lyonnais. Rappel des faits : en 2008, Christine Lagarde, alors ministre de l'Economie, accepte un arbitrage privé sur un litige entre l'homme d'affaires Bernard Tapie et le Crédit Lyonnais. Bernard Tapie obtient 285 millions d'euros de fonds publics. L'Etat refuse d'exercer un recours contre la sentence alors que plusieurs spécialistes l'y encouragent et jugent le montant de l'indemnisation excessif.
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Depuis, la Cour de Justice de la République a lancé une enquête et une information judiciaire a également été ouverte à Paris. La patronne du FMI risque maintenant une mise en examen pour "complicité de faux et de détournement de fonds publics". Une telle décision pourrait-elle lui coûter son poste ?
Légalement, elle ne risque rien. Rien dans les statuts du FMI ni dans le contrat de travail de Christine Lagarde ne contraint celle-ci à démissionner en cas de mise en examen. Pourtant, l'institution de Washington a ajouté quelques précautions depuis l'affaire DSK. Ainsi, le code de conduite de l'institution demande désormais aux membres du conseil d'administration du FMI, dont Christine Lagarde est présidente, de respecter "les plus hautes valeurs éthiques" en référence à de possibles cas de "harcèlement" ou de favoritisme au sein de l'institution. Pour sa part, le contrat de travail de la directrice lui demande d'éviter "ne serait-ce que l'apparence d'une inconvenance dans votre comportement" dans l'exercice de ses fonctions. Mais les documents n'imposent pas une marche à suivre dans l'hypothèse de poursuites judiciaires contre le directeur général du FMI.
Politiquement, c'est le flou. L'audition de Christine Lagarde n'est une surprise pour personne. L'ombre de l'affaire Tapie planait déjà sur la candidature de la Française lorsque le conseil d'administration du FMI l'a choisie pour diriger l'institution. Les 24 membres du conseil pourraient-ils néanmoins pousser la directrice à la démission en cas de mise en examen ? Selon les statuts du FMI, "les fonctions du directeur général cessent lorsque le conseil d'administration en décide ainsi." Tout dépendra donc du degré de bienveillance des principaux actionnaires du FMI, à commencer par les Etats-Unis qui exercent une influence particulière dans l'institution. La décision sera donc politique puisque ce sera aux Etats de négocier entre eux.
Pour le moment, le FMI dit écarter l'idée d'une démission : "le conseil d'administration a été informé de cette affaire, y compris récemment, et continue d'exprimer sa confiance dans les capacités de la directrice générale à assumer efficacement ses fonctions", a ainsi déclaré une porte-parole jeudi. A Paris également, "Mme Lagarde conserve toute la confiance des autorités françaises et la mienne", a assuré mercredi le ministre de l'Economie Pierre Moscovici. En cas de démission de Christine Lagarde, la France perdrait son dernier poste de dirigeant d'une institution internationale.