Le retrait d’Afghanistan a bel et bien commencé. Une compagnie du 2e régiment étrangers de parachutistes (des légionnaires, ndlr), était en train de quitter le pays mercredi, selon les informations obtenues par Europe 1. Parmi ces soldats, certains étaient contents de rentrer chez eux, d'autres auraient souhaité rester plus longtemps, a pu constater Claire Billet, la correspondante d'Europe 1 en Afghanistan qui les a rencontrés. Rapidement, ces 200 hommes seront suivis avant la fin de l’année par une autre compagnie de 200 hommes.
Ainsi, au 1er janvier 2012, 10% du contingent français sera rentré. Mais d’un point de vue opérationnel, c’est presque un tiers des forces combattantes qui aura plié bagages : deux des sept compagnies engagées sur le terrain seront parties. C’est la nouvelle armée afghane qui devrait prendre le relais.
La vallée de la Kapisa, zone désormais interdite
Depuis l’annonce du retrait occidental d’Afghanistan à l’été, les insurgés multiplient les attaques en Kapisa contre les forces françaises. Alors que débute la campagne électorale, l’Elysée redoute que de nouvelles pertes ne pèse sur l’opinion publique française. Ordre a donc été donné de limiter au maximum les opérations militaires pour ne pas exposer les soldats.
Autre consigne : interdire la vallée de la Kapisa aux journalistes, qui ne sont désormais plus les bienvenus aux côtés des militaires.
Cette stratégie n’a jamais été annoncée officiellement mais le général Guillaud l’avait esquissée devant la Commission Défense de l’Assemblée nationale le 5 octobre dernier. "Pour notre part, nous basculons progressivement des missions de contrôle de zone vers des missions d’appui et de soutien des forces afghanes. Ce qui a pour conséquence de réorganiser nos forces et de réduire notre vulnérabilité. Nous n’irons plus dans les fonds de vallée", avait-il détaillé.
Un repli qui embarrasse les militaires
Le problème, c’est qu’en limitant les sorties sur le terrain, les militaires laissent du terrain aux talibans. Ces derniers peuvent plus facilement miner les routes, rendant plus compliqués les approvisionnements des bases. Autre conséquence, cela rend les atterrissages d’hélicoptères plus difficiles. Pour les soldats qui restent jusqu’en 2014, leur mission sur le terrain sera plus compliquée.
Sas de décompression
Pour ceux qui rentrent, l’armée veut éviter tout choc psychologique. Avant de rejoindre la France, les militaires passeront par l'île de Chypre, où a été mis en place en 2008 un "sas de décompression". Il s’agit d’un hôtel 5 étoiles qui accueille les soldats, à peine débarqués de Kaboul après quatre heures d’avion.
Cette étape obligatoire de trois jours permet de faciliter la transition des soldats vers la vie civile, et de libérer leur parole. Parcours sportifs et tests psychologiques sont au programme. Outre ces entretiens individuels, la transition passe aussi par des séances de sophrologie, de massages, mais aussi par des sorties totalement récréatives.
"Si vous n’avez pas fait l’armée"
Initiation à la plongée, jeux de plage, court séjour sur un yacht loué pour l’occasion sont des activités nécessaires tant les soldats sont, mentalement, encore en Afghanistan. "Il y en a quelques uns que je sentais un peu dans le vague, perdus. Le regard des jeunes… c’est un peu comme s’ils étaient dans un autre monde", témoigne Gérard, un touriste retraité qui les a croisés dans l’hôtel.
"Si vous n’avez pas fait l’armée, vous ne pouvez pas comprendre comment on se sent lorsqu’on revient de là-bas", acquiesce un ancien militaire chypriote croisé au restaurant de l’'hôtel.
Et ce dernier, qui a combattu en ex-Yougoslavie, de poursuivre : "il y a la guerre, les gens sont tout le temps sur les nerfs, tout le monde a peur… Alors quand vous arrivez ici, et que vous voyez tous ces sourires, c’est vraiment différent, vous vous sentez bien". Ce séjour chypriote, à peine 72 heures après les derniers combats, est donc bien utile avant que les militaires ne rentrent en France et retrouvent leurs familles.