Afghanistan : un nouveau pouvoir à deux têtes

Abdullah Abdullah et Ashraf Ghani © Reuters
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avec agences , modifié à

DÉNOUEMENT -  Ashraf Ghani a été déclaré vainqueur de la présidentielle. Il partagera le pouvoir avec son rival du second tour : Abdullah Abdullah.

Il a fallu trois mois pour se mettre d'accord. L'Afghanistan connaît enfin le nom de son nouveau président. C'est Ashraf Ghani, ancien ministre des Finances, qui dirigera le pays, a annoncé dimanche la commission électorale indépendante, qui n'a pas donné les résultats du décompte final des voix.

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Obligée de désigner un vainqueur. Le président de la Commission électorale indépendante, Ahmad Yousuf Nuristani, a reconnu que le processus électoral avait été entaché de sérieuses fraudes. L'audit mené par les Nations unies au cours des derniers mois n'a pas permis de toutes les mettre à jour, a-t-il déclaré, ajoutant que la commission avait le devoir de désigner un vainqueur. "La commission électorale indépendante d'Afghanistan déclare le docteur Ashraf Ghani Ahmad président d'Afghanistan", a-t-il dit, sans donner de pourcentages ou prendre de questions des journalistes.

Ashraf Ghani, un économiste de 65 ans, fut ministre des Finances de 2002 à 2004. Il succède donc à Hamid Karzaï, seul homme à avoir dirigé le pays depuis la chute des talibans et l'installation d'un gouvernement pro-occidental à Kaboul à la fin 2001.

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Un pouvoir à deux têtes. Depuis le deuxième tour d'une élection pourtant partie sous de bons auspices, les deux candidats, Ashraf Ghani et Abdullah Abdullah, avaient engagé une bataille pour prendre la présidence. Pour y mettre fin, les deux parties ont signé dimanche un accord de partage du pouvoir, à l'issue de deux mois de litiges et d'accusations de fraude. Cet accord de sortie de crise a été aussitôt salué par l'ONU et les alliés occidentaux de Kaboul, qui craignaient qu'une paralysie politique prolongée ne précipite le pays dans la division et les violences au moment crucial où la grande majorité des troupes de l'Otan s'apprête à quitter le pays.

Selon les termes de l'accord signé dimanche, Abdullah Abdullah devrait désigner un de ses proches chef de l'exécutif ou se nommer lui-même à ce poste appelé à devenir "Premier ministre exécutif" dans les deux ans. Abdullah Abdullah, ancien compagnon de route du commandant anti-soviétique puis anti-taliban Ahmad Shah Massoud, avait largement devancé son rival au premier tour (45% des voix contre 31,6%) du 5 avril. Mais les résultats préliminaires du second tour donnaient Ashraf Ghani vainqueur avec 56,4% des voix.

Une tâche délicate. Reste à voir désormais comment les deux camps rivaux pourront s'accorder de cette dualité des pouvoirs inédite depuis 2001, dans un pays où la constitution place la plupart des pouvoirs entre les mains du président et où le poste de Premier ministre n'existe pas. "Il va y avoir deux pouvoirs au sein du gouvernement, à qui il va être très difficile de travailler ensemble", résume dimanche Sediq Mansoor Ansari, un analyste politique et directeur d'ONG afghane. Le nouveau gouvernement aura la délicate tâche de stabiliser et de sécuriser le pays, l'un des plus pauvres du monde, et relancer son économie au moment où l'aide internationale commence à se tarir.