Agathe Kanziga, ex-Habyarimana, la veuve du président rwandais assassiné en 1994, arrêtée mardi dans l'Essonne en vertu d'un mandat d'arrêt international, a été remise en liberté et placée sous contrôle judiciaire. Elle doit dorénavant être présentée dans un délai de dix jours devant la cour d'appel de Paris qui donnera ou non son aval à la demande d'extradition formulée par Kigali. Le Rwanda a lancé à son encontre un mandat d’arrêt pour son rôle présumé dans le génocide, qui a fait, selon l’ONU, 800.000 morts.
Kigali l'accuse d'avoir participé à la planification et à l'organisation du génocide. Elle est souvent présentée comme une membre de l'"akazu", le premier cercle du pouvoir hutu qui a fomenté le génocide, ce qu'elle nie. L'attentat contre l'avion transportant son époux le 6 avril 1994 au soir est considéré comme le signal déclencheur du génocide.
Demande d’asile refusée
Cette arrestation intervient cinq jours seulement après la visite de Nicolas Sarkozy au Rwanda. Le président de la République et son homologue rwandais Paul Kagame, qui a longtemps accusé la France de complicité de génocide, ont scellé la réconciliation entre les deux pays après trois ans de rupture des relations diplomatiques. Nicolas Sarkozy avait affirmé sa volonté que "tous les responsables du génocide soient retrouvés et soient punis (...) où qu'ils se trouvent".
Réfugiée à l'ambassade de France au début des massacres, Agathe Kanziga avait été évacuée vers Paris par des militaires français lors de l'opération Amaryllis, du 8 au 14 avril 1994. Elle avait ensuite résidé au Gabon au Zaïre et au Kenya, puis s'était installée en France en 1998. En octobre 2009, le Conseil d'Etat avait refusé la demande d'asile qu'elle avait présentée cinq ans auparavant, arguant qu'il y avait des "raisons sérieuses de penser" à son implication "en tant qu'instigatrice ou complice" dans le "crime de génocide" entre avril et juillet 1994 au Rwanda.
Pas encore extradée
"Je félicite la justice française. C'est toujours une très bonne chose lorsque le processus judiciaire est engagé", a déclaré le ministre rwandais de la Justice. "C'est un très bon signe, la justice française commence à s'occuper sérieusement des dossiers". Mais le Rwanda devra encore attendre pour voir Agathe Kanziga revenir au pays. D’une part parce que le processus juridique pour son extradition pourrait prendre plusieurs semaines.
Ensuite et surtout parce que Paris, qui a par le passé autorisé l'extradition de trois Rwandais vers le Tribunal pénal international (TPIR) d'Arusha, en Tanzanie, s'est en revanche opposé à trois reprises à des extraditions vers Kigali. Mais la visite de Nicolas Sarkozy au Rwanda pourrait avoir changé cette donne.