Désormais saufs, plusieurs otages retenus sur le site gazier d'In Amenas pendant plusieurs jours ont raconté leur calvaire dès leur retour dans leur pays. Extraits de leurs témoignages poignants.
Mercredi matin, la surprise. Au lendemain d'une partie de foot sur le site, l'atmosphère s'alourdit très vite. Vers 5h30 du matin, les alarmes retentissent. C'est l'incompréhension. "On n'en avait aucune idée", se souvient Alexandre Berceaux, l'un des Français rescapés, qui ne s'était jamais senti menacé depuis son arrivée sur le site gazier du Sahara algérien, un an plus tôt. D'abord convaincu que "tout le monde était en danger" car "ça tirait partout", il réalise que les assaillants ciblent les expatriés.
Système D pour se cacher. Il se cache alors sous un lit dans une chambre en préfabriqué, et pense à dissimuler son passeport "pour cacher qui j'étais". Pendant quarante heures, Alexandre Berceaux ne bougera pas, ravitaillé en nourriture par des employés algériens qui avaient eux la liberté de leurs mouvements mais qui prennent "des risques énormes". Chacun avait sa parade. Certains ont trouvé refuge dans de faux-plafonds, d'autres, comme ce Roumain, se sont "barricadés" dans un bureau "en bloquant la porte avec un meuble".
Exécution en règle. Tous n'ont pas eu cette chance, comme en témoigne le bilan officiel qui fait état de 48 otages tués. Abdelkader, employé de BP a vu les terroristes "se diriger vers les chambres des Japonais". Devant l'une d'elle, "un terroriste a crié 'open the door' avec un accent nord-américain puis il a tiré. Deux autres Japonais sont morts et nous avons trouvé après quatre autres cadavres de Japonais", se souvient-il, très secoué. Un Algérien a vécu une scène similaire avec des Anglais. "Ils ont pris un Britannique et pointant leurs armes sur lui, 'ils l'ont menacé jusqu'à ce qu'il appelle en anglais ses amis en leur disant : 'sortez, sortez, ils ne vont pas vous tuer. Ils cherchent des Américains'. Quelques minutes après, ils l'ont abattu".
Les Algériens épargnés mais courageux. "Vous, Algériens et musulmans, n'avez rien à craindre : nous cherchons les chrétiens qui tuent nos frères au Mali et en Afghanistan pour piller nos richesses", criaient les islamistes armés aux otages algériens lorsqu'ils débarquent sur le site gazier. "Les Algériens pouvaient se déplacer librement", se remémore Alan Wright, expatrié écossais. Et eux seuls avaient le droit d'envoyer des textos ou de passer des appels. Mais les preneurs d'otages, très bien renseignés sur la configuration des lieux, ont fait couper le réseau pour empêcher les expatriés de le faire. Ce sont des Algériens qui ont notamment monté l'évasion d'un petit groupe. Pour que l'Ecossais Alan Wright ait "moins l'air d'un expatrié", ils lui ont donné un petit chapeau. Puis ils ont "découpé le grillage et ça y est, nous étions partis". "Nous avons une dette éternelle à leur égard", ajoute-t-il, bien conscient des risques pris par ces Algériens non visés par les terroristes. "Je ne pourrai jamais assez dire de bien de ces gars qui étaient avec nous dans ce bureau et qui avaient la possibilité de se rendre et d'être en sécurité mais qui ont décidé de rester avec nous et de nous aider à nous échapper".
Plusieurs évasions. Le petit groupe d'Alan Wright n'est pas le seul à être parvenu à filer discrètement du site. Un Norvégien de 57 ans qui a passé 15 heures dans le désert avec sept autres personnes est parvenu à regagner à pied la ville d'In Amenas à près de 50 km de là, déshydraté et épuisé.
Des assaillants "bien renseignés". L'organisation des terroristes laisse dubitatif Riad, un des otages algérien d'In Amenas. "Ils avaient des complicités à l'intérieur car ils connaissaient les chambres des expatriés et tous les détails sur le fonctionnement de la base", explique-t-il. Par exemple, "ils ne se sont pas rendus au site de l'algérienne GTP, ni sur celui de Sarpi, italien, vide au moment de l'attaque. Ils connaissaient les procédures internes, les numéros de chambres des expatriés et ils ont attaqué les bases de BP et de JGC, les seuls où il y avait des étrangers. "Ils étaient bien renseignés", confirme Abdelkader.