Allemagne : là où les salaires augmentent

Depuis quelques semaines, les hausses de salaires se multiplient outre-rhin, où les entreprises étaient plutôt adeptes de la modération salariale depuis des années.
Depuis quelques semaines, les hausses de salaires se multiplient outre-rhin, où les entreprises étaient plutôt adeptes de la modération salariale depuis des années. © REUTERS
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Entreprises et Etat commencent à mettre fin à l'ère de modération salariale outre-Rhin.   

Le "modèle allemand" est-il en train d'évoluer ? Depuis quelques semaines, les hausses de salaires se multiplient outre-Rhin, où les entreprises étaient plutôt adeptes de la modération salariale depuis des années.

Quelque 50.000 salariés du géant allemand Deutsche Telekom viennent par exemple d'obtenir une hausse de 6,5% de leurs salaires, après un accord entre les dirigeants et le syndicat Verdi. Fin mars, deux millions de fonctionnaires allemands avaient déjà décroché une hausse de salaires de 6,3%. Et fin avril, le parti conservateur d'Angela Merkel avait fléchi sa position sur le salaire minimum, contre lequel il était opposé, déposant un projet qui vise à laisser les partenaires sociaux décider de son instauration dans les branches qui en sont dépourvues.

Pression croissante de la rue

"Le modèle allemand est dual : d’un côté des secteurs où les relations sociales ont une forte tradition et où le travailleur est hautement respecté et où le salaire est relativement élevé; d’un autre côté des secteurs où les salaires sont très faibles, explique au site Atlantico.fr l'économiste spécialisé Marc Ivaldi.   "Un exemple souvent cité est celui des abattoirs allemands, qui recourent à une main d’œuvre issue des pays de l’Est, rémunérée aux environs de 7,5 euros de l’heure en raison de l’absence de salaire minimum. Cette situation n’est pas politiquement tenable et la Chancelière Angela Merkel est maintenant favorable à l’instauration d’un système de salaire minimum généralisé", décrypte ce spécialiste.

Un changement de mentalité outre-Rhin qui s'explique aussi par la pression croissante de la rue. Depuis plus d'une semaine, des dizaines de milliers de manifestants participent à des rassemblements en vue d'une hausse des salaires. Principale figure de proue du mouvement, le puissant syndicat IG Metall, réclame notamment 6,5% de hausse des salaires pour le secteur de la métallurgie,  qui comprend les machines-outils, la mécanique, l'automobile ou encore les semi-conducteurs et qui emploie plus de 3,5 millions de salariés.

Un quart des Allemands avaient un "bas salaire"

Le syndicat Verdi a également annoncé des grèves dans le secteur bancaire, dans le cadre de la renégociation d'accords salariaux couvrant 220.000 salariés. "Ce regain de tension sociale en Allemagne s’explique par l’amélioration de la situation économique depuis deux ans. Les travailleurs allemands se sont serrés la ceinture et se sont résolus aux réformes sociales de l’ère Schröder. Ils veulent maintenant en retirer des bénéfices", décrypte l'économiste Marc Ivaldi. Le ministre des finances lui-même, Wolfgang Schäuble, a estimé que "le temps de relever les salaires était venu".

Et pour cause, en Allemagne en 2010, 23,% des salariés, soit près de 8 millions de personnes, touchaient un salaire qualifié de "bas", inférieur à 9,15 euros bruts de l'heure, selon une étude publiée en mars par l'institut de recherche sur le travail de l'université de Duisbourg-Essen.

Mais ce début d'évolution est-il vraiment une bonne nouvelle ? Longtemps vantée pour la sacro-sainte compétitivité de ses entreprises, l'Allemagne ne se tire-t-elle pas une balle dans le pied en augmentant ainsi le coût du travail ? "La croissance modérée des salaires ces dernières années a rendu possible une évolution positive. Beaucoup de nouveaux emplois ont été créés et les emplois existants ont été protégés, ce qui soutient la consommation", déclarait encore récemment le directeur de la Chambre du commerce, Martin Wansleben.

Bon pour le reste de l'Europe ?

Outre l'amélioration du climat social, l'augmentation des salaires pourrait en réalité bien avoir certaines vertus. Selon le FMI, elle pourrait "aider à soutenir la demande interne". De plus, "cela signifie aussi des revenus plus élevés des ménages qui vont acheter des produits importés d’Italie et d’Espagne, ce qui pourrait améliorer la situation économique dans ces pays qui en ont bien besoin. Si ces pays se portent mieux, ils importeront des produits allemands. Or l’Allemagne vit de ses exportations", soutient l'économiste Marc Ivaldi. "L’Allemagne a besoin de l’Europe et, en favorisant l’augmentation des salaires de ses travailleurs donc en pratiquant quelque peu un politique de la demande, elle soutient l’activité dans la zone euro notamment", poursuit-il.  

Ce qui fait dire au ministre Wolfgang Schäuble dans le magazine Focus du 7 mai : "Ce n'est pas un problème que les salaires augmentent actuellement chez nous davantage que dans les autres pays de l'Union européenne. Ces hausses de salaires contribuent à supprimer les déséquilibres à l'intérieur de l'Europe. Mais nous devons faire attention de ne pas exagérer."