L’affaire a de quoi semer la zizanie entre Berlin et Ankara. Une polémique a éclaté outre-Rhin avant l’ouverture du procès d’une militante néonazie accusée du meurtre de plusieurs personnes, dont huit immigrés turcs. Or, les médias turcs, tout comme les représentants d’Ankara, risquent bien de ne pas pouvoir assister aux audiences.
Des crimes racistes. Beate Zschäpe, 37 ans, doit être jugée à partir du 17 avril pour son implication dans une série de meurtres xénophobes. Membre d’un groupuscule néonazi baptisé "Clandestinité nationale-socialiste" (NSU), elle est accusée d’avoir participé aux assassinats de huit Turcs et d’un Grec entre 2000 et 2006, et d’une policière en 2007. Quatre complices présumés doivent aussi être jugés en même temps qu’elle. Mais les deux autres membres principaux de cette cellule se sont suicidés en octobre 2011.
Médias et autorités turcs écartés. En Allemagne, il s’agit du procès le plus retentissant depuis celui de la Fraction armée rouge, ou bande à Baader, dans les années 70. Et la nationalité des victimes confère à l’affaire une dimension internationale. Dans la salle d’audience du tribunal de Munich, une cinquantaine de places ont été réservées à la presse, mais aucun média turc n’a pu en obtenir, selon le Spiegel. La raison : les accréditations ont toutes été distribuées à des médias allemands, par ordre de réception des demandes, justifie le tribunal. Désireuse de ne pas faire du procès un "spectacle", la justice n’envisage pas de filmer les débats pour les retransmettre.
Par ailleurs, aucun siège n’a été réservé non plus pour les autorités turques, comme l’ambassadeur turc en Allemagne, note la Deutsche Welle. Le diplomate devra donc se contenter d’une place dans la galerie des visiteurs, où il pourrait tout à fait se retrouver à côté de partisans du groupuscule néonazi.
"L’image de l’Allemagne en jeu". "Il serait désirable que la cour revienne sur sa décision, étant donnée l’importance de ce procès pour les Turcs en Allemagne", a demandé la Turquie jeudi, selon le quotidien britannique The Independent. "De nombreux Turcs sont non seulement déçus, mais aussi choqués, aussi bien en Turquie qu’en Allemagne", écrit le rédacteur en chef du quotidien turc Hürriyet. Outre-Rhin aussi, des voix se sont élevées pour réclamer que la Turquie puisse assister au procès, au sein du gouvernement et dans les médias. "C’est l’image de l’Allemagne qui est en jeu", juge ainsi un éditorialiste de la Deutsche Welle. Certains organes de presse allemands ont même proposé de céder leur place à des confrères turcs. Mais le tribunal a refusé cette proposition.