Tout commence en Algérie, à la fin des années 90. Alors que l’armée lance une traque sans merci dans le maquis algérien contre les terroristes, les chefs de l'insurrection islamiste envoient certains de leurs lieutenants, souvent originaires des régions australes du pays, dans le Grand Sud pour assurer le ravitaillement du mouvement en armes et financer la lutte. Jihad, trafics, attaques et kidnappings... tous les trafics sont menés de front par des combattants devenus parfois presque autonomes.
En 2007, c’est le tournant. Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) apparaît pour la première fois en tant que tel. "Al-Qaida au Maghreb islamique a succédé au Groupe Salafiste pour la prédication et le combat le 25 janvier 2007 en faisant officiellement allégeance à Oussama Ben Laden ", explique Alain Rodier, ancien officier du renseignement, aujourd'hui directeur de recherche au Centre français de recherches sur le renseignement (CF2R) sur le blog secret Défense du journal de Libération
Une organisation bien pensée
Pour mener leurs opérations-éclairs, ils installent des unités appelées "katibas" dans des régions reculées du Sahel. Quatre plus précisément. Mobiles, les islamistes vivent le plus souvent sous la tente afin d’éviter de servir de cibles aux satellites de surveillance des occidentaux.
Ces "katibas" sont organisées autour d’un émir, désigné par le chef suprême de l’Aqmi, Abdelmalek Droukdal, toujours basé au nord de l'Algérie. Dans chacune d’elle, il y a aussi un mufti -responsable religieux responsable des fatwas suivies par le groupe-, un médecin ou un infirmier et un responsable de la logistique.
Craintes par certaines populations, ces unités n’hésitent pas à apporter un véritable soutient à d’autres. L’Aqmi finance ainsi des puits, achète du bétail, distribue des médicaments, etc. Ces unités ne sont pas pour autant des enfants de cœur. Loin de là. Le racket fait aussi partie de leurs prérogatives, ainsi que le trafic de drogue et le kidnapping.
L’argent de la drogue
Selon le Daily Telegraph, l’Aqmi aurait conclu des accords avec les trafiquants de drogue Sud-Américains, qui leur offrent des services d'escorte sécuritaire, en contrepartie d'une partie du revenu de leur commerce illicite, ajoute le journal, en citant des experts antiterroristes.
"Les forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) étaient derrière l'accord conclu avec l'Aqmi", indique Olivier Guitta, un consultant en matière de lutte antiterroriste et d'affaires étrangères au site britannique.
Le kidnapping
A défaut de pouvoir lancer des attentats dans les pays cibles comme la France, la capture d’étrangers est devenue une de leurs principales activités. "Les commandos d’Aqmi au Sahara n'ont pas été en mesure d'opérer un attentat réussi (...) et c'est la prise d'otages occidentaux qui est devenue leur activité principale", analyse Jean-Pierre Filiu, professeur à Sciences-Po Paris et auteur notamment des Neuf vies d'Al-Qaïda. Menaçant la France depuis des années les jihadistes algériens et sahéliens d'Al-Qaïda ont réussi en 2010 un coup d'éclat avec l'enlèvement au Niger en septembre de cinq ressortissants français. Samedi, deux otages Français, enlevés la veille à Niamey au Niger, ont été abattus par leurs ravisseurs. Au total, huit Français sont toujours captifs à travers le monde.
Quel butin de guerre ?
Quelques 130 millions de dollars auraient été récoltés grâce au soutien accordé aux réseaux de narcotrafiquants et aux opérations d'enlèvement lancées depuis 2007, indique le Telegraph, en se référant à un rapport qui cite une enquête menée par le gouvernement algérien.
A quoi servent les fonds ?
Ils "peuvent servir pour attirer de nouvelles recrues et planifier des attaques terroristes contre des villes européennes", ajoutent les experts interrogés par le Telegraph. Les rançons payées par plusieurs pays européens pour la libération d'otages, touristes ou humanitaires ont permis d'améliorer les équipements et de proposer de fortes récompenses aux gangsters locaux qui pourraient leur livrer de nouveaux prisonniers.
Qui est le chef d’Aqmi ?
Le chef d'Aqmi est Abdel Malek Droukdel, mais au début 2010, des rumeurs laissaient entendre qu’il avait été remplacé par Yazid M’barek alias Abou Youcef el-Annabi. Fort d’un petit millier d’activistes originaires notamment de Libye, de Mauritanie, du Niger et du Mali, 400 seraient basés dans le Sahel. Des anciens combattants ayant servi en Irak et en Afghanistan serviraient également dans leurs rangs.
Que demandent-ils pour libérer les otages français ?
Leurs exigences sont quasiment impossibles à satisfaire. Ils demandent le retrait de l'armée française d'Afghanistan et renvoient au chef d'Al-Qaïda, Oussama Ben Laden, pour négocier le sort des otages du désert.