Il s'agit d'un exemplaire original du "Penseur" de Rodin, réalisé du vivant du sculpteur. La semaine dernière, le monument, installé à Buenos Aires, a été recouvert de peinture et de graffitis par des inconnus. Cette sculpture, d'une valeur inestimable, est la seule de ce genre en Amérique latine.
Pour ne rien arranger, la ville a immédiatement envoyé une équipe pour nettoyer la statue au canon à eau. Un geste aussitôt condamné par les experts, comme Cristina Lancelloti : "le recours à l'hydrolavage doit être écarté en raison des dégâts irréversibles qu'il peut provoquer sur la patine originale et du risque d'infiltration".
Une décision de 1907
L'affaire a provoqué une grande émotion au sein du corps politique argentin. D'autant plus que la question de l'emplacement - et donc de l'accessibilité - de l'œuvre est en débat depuis… plus d'un siècle. En 1907, il était prévu que le "Penseur" soit placé en haut des marches du Congrès. Cela n'avait pas été fait à l'époque, car le bâtiment était encore en construction.
En 2008, soit plus de cent ans plus tard, une loi a été votée pour effectuer le déplacement. En vain, puisque trois ans plus tard, la statue est toujours perdue au bout de la place. L'affaire a provoqué de houleux débats au Sénat, où l'opposition a réclamé que la sculpture soit enfin placée en haut des marches.
La question de l'accessibilité
Mais Beatriz Feller, membre du parti au pouvoir, a rajouté de l'huile sur le feu en affirmant que la sculpture était "une copie", contrairement au Congrès qui, lui, était "un monument historique". Pour appuyer son point de vue, elle a jugé que la nouvelle place envisagée n'était "pas accessible aux gens de la rue, qui ont le droit d'apprécier ce type de sculptures".
En 1927, Eduardo Schiaffino, responsable de l'acquisition de l'œuvre, écrivait : "Vingt ans ont passé et ce chef-d'œuvre est toujours sacrifié : au bout de cette place immense, il ressemble à une aiguille dans une meule de foin". Près d'un siècle plus tard, le feuilleton semble loin d'être terminé.