Jean-Yves Le Drian, ministre français de la Défense, a annoncé, mardi matin sur Europe 1, l'abandon du système informatique Louvois. Ce logiciel est responsable de dysfonctionnements sans fin dans le paiement des soldes des militaires. Au printemps 2013, 70.000 dossiers de trop-perçus, de petites sommes à des montants beaucoup plus importants, avait été recensés. "Ce dispositif est un désastre", a -t-il déclaré. "Il a été mis en place dans la précipitation", a ajouté le ministre.
Les excuses du ministre. Après avoir longtemps assuré que le système était en voie de normalisation, les responsables du ministère avaient fini par se lasser d'un logiciel devenu incontrôlable. De l'avis même de l'état-major, Louvois pesait sur le moral des troupes, au moment où les armées sont soumises à de nouvelles réformes et des coupes brutales dans les effectifs. A chacune de ses visites dans les unités, le ministre de la Défense s'excusait auprès de ses soldats pour les graves difficultés dans lesquelles nombre d'entre eux étaient plongés.
Début décembre (le 3 ou le 5, la date n'est pas encore fixée), il devrait enterrer définitivement le logiciel maudit lors d'une visite à Vars, dans les Hautes-Alpes. Vars, là où il y a tout juste un an, il a, dit-il, pris conscience des dégâts causés par ce nouveau système informatique que les services des armées n'ont jamais réussi à stabiliser. Erreurs à répétition dans le calcul des soldes, voire pas de solde du tout, alors que les soldats étaient en opération au Mali ou en Afghanistan, et que leurs épouses devaient gérer seules le découvert bancaire et faire tourner leur foyer. Mais aussi trop-perçus que les militaires devaient ensuite rembourser.
Un logiciel incontrôlable. De bugs en plans d'urgence pour colmater les brèches, Louvois n'a jamais été maîtrisé. "Il faudra trancher. Est-ce que Louvois est réparable ou pas ?", avait prévenu Jean-Yves Le Drian. Deux audits commandés par le ministère l'ont probablement convaincu qu'il valait mieux se débarrasser du boulet. Mais les hauts gradés qui planchaient sur le dossier ne cachaient pas que la mise en place d'un nouveau système informatique prendra du temps. Et qu'il faudra encore compter sur Louvois et ses dérapages incontrôlés, pendant des mois, voire un an ou deux, avant que les difficultés ne soient totalement réglées.
Des bugs en cascades. La Défense paie une réforme mise en oeuvre de façon précipitée, sans que le dispositif ait été réellement testé. Et la facture devrait s'élever à plusieurs dizaines de millions d'euros. Les députés, droite et gauche confondues, n'ont pas attendu pour condamner le logiciel. Louvois est le "grand raté" de la réforme du ministère de la Défense lancée en 2008, au début du quinquennat de Nicolas Sarkozy, estimaient Geneviève Gosselin-Fleury (PS) et Damien Meslot (UMP) dans un rapport présenté début septembre. "Pire, écrivaient-ils : à mesure que l'on corrige des bugs, il en apparaît souvent d'autres". Et qui pour porter le chapeau? Les deux élus regrettaient "l'impunité" dont ont jusqu'à présent bénéficié les responsables. Jean-Yves Le Drian, lui, préfère passer à autre chose et n'entend pas traquer les responsables du fiasco.
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