En présentant ses condoléances aux Arméniens mercredi, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a pris tout le monde de court. Dans un communiqué publié à la veille des commémorations de jeudi, il a évoqué des "événements qui ont eu des conséquences inhumaines", en prenant soin de ne pas employer le mot de "génocide". Une déclaration perçue très différemment dans la presse arménienne et la presse turque.
#Côté turc : un "appel" à la "réconciliation"
Dans les journaux de Turquie, les condoléances d’Erdogan sont accueillies plutôt favorablement. Erugrul Özkök, éditorialiste du quotidien Hurriyet, félicite ainsi "sincèrement" l’auteur du discours. "Aurait-on pu dire des choses plus explicites ? Moi, en tant que citoyen et éditorialiste, je peux prononcer des mots plus explicites, mais la ligne définie par le Premier ministre a été tracée correctement", juge-t-il. Dans le même journal, Murat Yetkin, un autre éditorialiste, applaudit cet "appel pour une réconciliation historique", qui pourrait représenter "un nouveau départ pour résoudre le conflit, pour le bien des deux peuples".
Même son de cloche dans Today’s Zaman, la version en anglais du quotidien Zaman : Orhan Kemal Cengiz, avocat turc et militant des droits de l’Homme, voit dans la déclaration d’Erdogan "le début de la guérison". "Mettre fin à cent ans de déni, cela donne de l’espoir à tout le monde", résume-t-il.
#Côté arménien : une "manipulation"
Dans les médias arméniens, le ton est nettement moins optimiste. Un historien interrogé par l’agence de presse arménienne Armenpress, Aram Anyanyan, juge qu’Erdogan, en évoquant une "douleur commune", "essaie de mettre sur le même plan la douleur des victimes et celle des bourreaux". "Ankara développe sa boîte à outils du déni", argumente Aram Anyanyan, pour qui cette "douleur commune" n’est "pas partagée et n’a jamais été partagée par la majorité de l’élite turque". Et l’historien d’accuser Ankara de déclaration "dangereuse" et de "manipulation" de la mémoire.
Histoire, mémoire : le temps fera peut-être son œuvre, espère le site Armenia Now, qui note que de récentes déclarations de reconnaissance du génocide par des dirigeants étrangers n’ont pas provoqué autant de remous qu’auparavant, comme par exemple quand la France a adopté une loi pénalisant le déni du génocide. "La reconnaissance du génocide arménien par des hommes politiques [étrangers] de tous bords montre que la communauté internationale se prépare non seulement au centième anniversaire du génocide, en 2015, mais y prépare aussi les Turcs", peut-on lire sur le site. Et même si le "mot en ‘G’" demeure "problématique", "peu de gens, y compris en Turquie, nient aujourd’hui que la reconnaissance du génocide soit inévitable".
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