INTERVIEW. Depuis fin octobre, la Syrie ne peut plus produire d’armes chimiques. C’est ce qu’a annoncé jeudi dernier l’Organisation internationale pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), au sein de laquelle Dominique Anelli dirige la section de démilitarisation chimique. "Comme pour une voiture, on s'est assuré que le moteur des usines chimiques était détruit", décrypte-t-il sur Europe 1, avant de reconnaître que l’objectif "très ambitieux" de destruction des armes chimiques syrienne d’ici la mi-2014 sera "difficile à réaliser".
La mission de l'OIAC. Dominique Anelli et son équipe ont obtenu des "premiers résultats" avec "la destruction de tous les éléments essentiels à la production des armes chimiques" sur 23 sites en Syrie. "Ces 23 sites, c'est nous qui les avions pré-listés mais c'est ce que le régime a déclaré à l'OIAC", explique-t-il, notant que "ce genre de traité est basé sur la confiance". "En plus de cette confiance, nous avons un outil un peu plus performant : c'est une décision du Conseil de sécurité de l'ONU, le fait de pouvoir faire des inspections sur des sites qui n'ont pas été déclarés, des inspections par mise en demeure", souligne Dominique Anelli.
L'interview de Dominique Anelli :
Peut-on croire les autorités syriennes ? L’expert, qui rentre tout juste de Syrie, décrit également son travail sur place et indique avoir "eu affaire à des experts techniques, qui ont travaillé 12 à 15 heures d'affilée avec nous pour répondre à toutes nos questions". "Nous avions en face de nous des experts qui donnaient des réponses techniques à nos questions techniques". Dominique Anelli assure avoir "confiance" en ces personnes "crédibles sur le plan technique". Avec un bémol cependant : "ils ne disent que ce qu’on leur a autorisé à dire… il y a peut-être une certaine incertitude qui demeure". Même si les réunions de travail se faisaient "en tête à tête" avec les experts techniques, sans la présence d’un "général, [de] l'ambassadeur ou [du] vice-ministre des Affaires étrangères..."
"Un objectif très ambitieux". Détruire les capacités de production d’armes chimiques en Syrie d’ici mi-2014, "c’est un objectif très ambitieux qui va être difficile à réaliser", mais qui est "techniquement" faisable. "Les armes chimiques syriennes ont une particularité : ce sont des précurseurs, pas des armes chimiques", explique Dominique Anelli. "Pour une vinaigrette, on utilise de l’huile et du vinaigre. L’huile et le vinaigre, c'est stable dans le temps, pas la vinaigrette. Ce qu'avaient les Syriens, c'est l'huile et le vinaigre", poursuit-il.
Que devient le peuple syrien ? Mais au-delà de sa mission, Dominique Anelli et son équipe n’ont "pas du tout eu accès à la population" syrienne. "Nous sommes dans une zone sécurisée, celle du Four Seasons à Damas" et les déplacements se font "sous escorte, en véhicule blindé". Lui se voit "comme quelqu’un qui aide la population syrienne", "même si on semble être l’alibi de la bonne conscience de Bachar al-Assad". "Je me réjouis que dans six mois, un an, toutes ces armes chimiques atroces soient détruites", insiste-t-il, ajoutant qu’un massacre comme celui du 21 août dernier en banlieue de Damas n’est "déjà plus possible".