Avec Jokowi, l'Indonésie a son "Obama"

Jokowi a annoncé sa victoire dans la présidentielle indonésienne, mais son adversaire lui conteste.
Jokowi a annoncé sa victoire dans la présidentielle indonésienne, mais son adversaire lui conteste. © reuters
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NOUVELLE VAGUE - Joko Widodo alias "Jokowi" incarne une forme de renouveau politique en Indonésie. A tel point qu’il est parfois comparé à Barack Obama.

Imbroglio électoral. Joko Widowo a revendiqué mercredi la victoire à l’élection présidentielle indonésienne. Il s’imposerait devant son adversaire, l’ex-général et candidat conservateur Prabowo Subianto  qui a également affirmé avoir remporté le scrutin. Quel que soit le résultat, cette campagne a achevé de consacrer l’avènement du candidat démocrate comme une personnalité qui bouleverse le paysage politique du quatrième pays le plus peuplé du monde (250 millions d’habitants). Mais qui est cet homme politique de 53 ans régulièrement comparé à Barack Obama ?

Urne

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Fan de Metallica et Deep Purple. Si vous vous demandez à quoi ressemblait le probable futur chef de l’Etat indonésien dans son enfance, imaginez un jeune homme aux cheveux longs, fan de Metallica, le célèbre groupe de Heavy Metal qui lui a d’ailleurs offert une guitare électrique dédicacée lors d’un concert lors de l’été 2013. Un homme aux goûts simples" donc, mais qui a su faire de cette "normalité" un argument politique. Comme si le sentiment de proximité qu’il inspire à ses concitoyens était pour lui le meilleur tremplin vers les plus hautes fonctions politiques.

Un habile communicant. Signe de sa parfaite maîtrise de la communication politique, Joko Widowo, gouverneur de Jakarta, avait remis à la commission de lutte contre la corruption la guitare dédicacée par les rock stars. Né en 1961 dans une famille de classe moyenne, il trouve un écho favorable parmi les classes moyennes et la jeunesse justement parce qu’il détonne par rapport à la classe politique traditionnelle.  

Kirk-Hammet

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Une image qu’il cultive grâce à une communication efficace donc, basée sur l’interactivité avec les populations locales, comme le souligne le politologue indonésien Cahyadi Indrananto. En effet, Joko Widodo a forgé son succès sur des mandats locaux : d’abord maire de Surakarta, une ville de 400.000 habitants, de 2005 à 2012, il est depuis devenu gouverneur de Jakarta, la tentaculaire capitale de l’archipel (14 millions d’habitants).

Un as du marketing urbain. Quel que soit le siège occupé, celui qu’on surnomme "Jokowi" a toujours appliqué la même méthode. Il s’inspire du modèle européen pour le développement urbain de la ville : voies piétonnes et cyclistes, transports en commun, développement des espaces verts, marketing urbain (il a estampillé Surakarta comme l’incarnation de l’esprit de Java, l’archipel sur lequel se situe la ville), accent porté sur le tourisme et organisation de conférences internationales pour le rayonnement de la ville.

De la même façon, il incarne les politiques qu’il met en œuvre, s’implique et se met en avant personnellement. Comme à l’hiver 2011/2012 où il se fait accompagner de 300 habitants pour payer la facture non réglée d’électricité de la ville à l’entreprise étatique qui fournit l’énergie.

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Parfois accusé de populisme. Une fois devenu gouverneur de Jakarta, il multiplie les visites-surprises régulières des quartiers les plus défavorisés, crée la Healhty Jakarta Card, une assurance santé universelle pour ses administrés. Mais cette politique volontariste et de proximité a également ses limites. Jokowi a suscité la déception de nombre d’habitants de la ville avec cette réforme de la santé, les services hospitaliers ne pouvant pas absorber les flux de patients qui se massaient devant les bâtiments.

Mais pour prétendre à la présidence, Jokowi a du étoffer son registre politique. Histoire d’acquérir une envergue et une crédibilité nationale. Là aussi, il a su faire preuve d’habileté et, comme le souligne le Jakarta Post, s’appuyer sur le découpage ethnique et religieux indonésien pour s’assurer le soutien d’une partie de la population. En l’occurrence, celui des populations musulmanes de l’ouest de Java, tandis que le conservateur Prabowo visait lui les chrétiens du nord de Sulawesi, une autre île de l’archipel.

Prabowo

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Défis gigantesques. Si cinq des sept instituts de sondage indonésiens donnent la victoire à Jokowi, il faudra cependant encore attendre deux semaines avant que le résultat officiel soit communiqué. S’il est officiellement élu, le leader démocrate devra relever des défis à la mesure du gigantisme indonésien : créer des infrastructures adaptées, et trouver un second souffle économique. Après dix ans de croissance à 6% de moyenne, le pays souffre du ralentissement chinois et de la baisse mécanique de la demande en matières premières de Pékin.