Bachir Saleh. Le nom de l'ancien chef de cabinet de Mouammar Kadhafi est apparu dans les médias le week-end dernier. D'après Mediapart, l'homme était, en qualité de "trésorier" du régime libyen, le destinataire de la note censée prouver que Mouammar Kadhafi avait donné son feu vert pour financer la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007 à hauteur de "50 millions d'euros".
Un "mensonge", un "faux grossier" pour Nicolas Sarkozy qui a porté plainte contre Mediapart. "Croyez-vous que dans des affaires de cette nature, un PV serait dressé ?" a, de son côté, balayé l'un des avocats de Bachir Saleh à propos du même document.
Recherché pour fraude par Interpol
Sur sa fiche Interpol, consultable sur Internet, le signalement de Bachir Saleh est lapidaire : "Nom : Bashir Al-Shrkawi. Date de naissance : 1946 au Niger. Nationalité : libyenne. Recherché pour fraude". Si le nom n'est pas le même, on peut y voir plusieurs photos de l'ancien proche du dictateur libyen. Le ministre de la Justice Michel Mercier est resté malgré tout très prudent lundi soir affirmant que des "vérifications" étaient en cours afin "d'identifier la personne réellement recherchée par les autorités libyennes".
Reste une certitude : il s'agit d'une notice rouge, ce qui signifie qu'Interpol a informé ses pays membres, dont la France, qu'une demande d'arrestation et d'extradition avait été délivrée à son encontre. Or, Bachir Saleh vit en France depuis plusieurs mois, comme l'a révélé Le Canard enchaîné dès le 4 avril. Selon Libération.fr, il résiderait plus précisément dans l'Ain, à Bourg-en-Bresse.
Un homme "protégé par la France" ?
Bachir Saleh est-il, comme l'affirme Mediapart, "protégé par la France" ? Sur le papier, le grand argentier du régime libyen n'est pas visé par un mandat d'arrêt international, rien n'oblige donc la France à engager les moyens pour procéder à son interpellation. "La demande d'arrestation provisoire transmise par Interpol ne devient, le cas échéant, exécutoire, qu'à l'issue de diverses vérifications incombant au bureau central national d'Interpol en France (la Direction centrale de la police judiciaire), qui doit s'occuper de la traduction du document, de la vérification des alias, de la recherche dans les fichiers de police", a d'ailleurs tenu à rappeler le ministre Michel Mercier.
L'homme n'en n'est pas moins gênant. Et lundi, François Fillon a expliqué que "l'immunité diplomatique" dont bénéficierait Bachir Saleh du fait de son "passeport diplomatique du Niger" empêchait toute action. Mais le ministère nigérien des Affaires étrangères n'a pas tardé à préciser que Bachir Saleh avait rendu son passeport diplomatique en mars dernier.
C'est probablement grâce à ce passeport que Bachir Saleh a pu pénétrer en France. Il y a obtenu un visa temporaire renouvelable tous les trois mois au nom du regroupement familial. Son avocat espère obtenir pour lui le statut de réfugié politique.
Une rencontre avec Sarkozy à l'Elysée en juillet 2011
Quid des relations entre Sarkozy et Saleh ? Dans un documentaire d'Antoine Vitkine, "Kadhafi, mort ou vif", dont le Huffington Post a diffusé un extrait lundi, on apprend que Nicolas Sarkozy a reçu en personne Bachir Saleh à l'Elysée le 2 juillet 2011, soit quatre mois avant la mort de Kadhafi. Comme le confirme Jean-David Levitte, un conseiller diplomatique de Nicolas Sarkozy, Saleh "le francophone" est alors chargé de proposer à Kadhafi l'exil et la vie sauve s'il cesse le combat. Le dictateur libyen ne donnera pas suite à la proposition.
Autre part ombre de Bachir Saleh : son épouse franco-libanaise, qui vit en France, a été condamnée par la justice française à deux ans de prison avec sursis pour esclavage domestique à Bourg-en-Bresse. "Elle a prévu de faire appel", a fait savoir son avocat.