"Nul doute qu'une photographie du corps d'Oussama ben Laden finira par être diffusée", a déclaré mardi le directeur de la CIA à la chaîne NBC News. "Le gouvernement discute évidemment de la meilleure manière de procéder, mais je crois que personne n'a douté un seul instant qu'au bout du compte, une photographie sera présentée au public", a déclaré Leon Panetta dans une interview à la chaîne mardi. Interrogé à ce sujet, un porte-parole de la Maison-Blanche a réaffirmé que rien n'avait été décidé.
La question fait débat au sein de l'administration de Barack Obama sur la diffusion du cliché montrant la dépouille de feu le leader d’Al-Qaïda. "On peut dire que c'est une photo atroce", a expliqué le porte-parole de la Maison-Blanche, Jay Carney, qui a été on ne peut plus clair au moment de commenter le débat qui agite la présidence américaine au lendemain de l’annonce de la mort d’Oussama ben Laden.
Et le caractère très dur de la photo va plutôt dans le sens des opposants à la publication. "Je serai franc, la publication de photos d'Oussama ben Laden après cette fusillade est une affaire sensible, et nous évaluons s'il est nécessaire de le faire", a déclaré Jay Carney au cours d'un point de presse. La question est de savoir, selon le porte-parole, si une telle publication "sert ou dessert nos intérêts, pas seulement ici mais dans le monde entier".
"Il n’y a pas de bonne solution"
Mais de plus en plus de voix s’élèvent pour diffuser le cliché, si dur soit-il. Une manière de prouver la mort d’Oussama ben Laden et de faire taire les sceptiques. Mais pas seulement. "Le discours d’Obama sur la ‘justice a été faite’ aurait plus d’impact encore, il y a ce coté western dans la société américaine qu’on ne comprend pas forcément en France", a déclaré François Durpaire, historien spécialiste des Etats-Unis, à Europe 1.
Pour Alain Genestar, directeur de la publication de Polka Magazine, il faut montrer ces images qui "à partir du moment où elles existent doivent sortir". Il estime que ces images sont un "épisode de guerre" qui doit être publié. "C'est public, il y a des pays qui ont déclaré la guerre contre Ben Laden, la France est en Afghanistan, il ne doit pas y avoir rétention de l'information", a-t-il jugé mercredi sur Europe 1.
Les arguments, et ceux qui les défendent, sont donc nombreux dans les deux camps. Et le dilemme reste total. "La Maison-Blanche navigue entre trois écueils", résume Nicole Bacharan, spécialiste des Etats-Unis, sur Europe 1. "Il y a la volonté d'assécher la volonté du complot d'une part, publier une photo qui ne sera pas belle à voir, et enfin, les interrogations autour des conditions dans lesquelles Ben Laden a été abattu".
"Il n’y a pas de bonne solution, sans quoi ils l’auraient déjà trouvée", ajoute la spécialiste, qui rappelle que le contexte actuel de publication d'images est très différent d'il y a 20 ou 30 ans. "La gestion des images ne se fait pas seulement pour l'opinion américaine ou européenne, mais pour toute la planète, et c'est une extrême difficulté car il y a des publics avec des priorités et des visions du monde très différentes".