Un homme qui perturbe le duel entre deux femmes. Ce devait être un duel de femmes, un duel entre deux destinées. Celle de Dilma Rousseff, ex-guérillera, pourfendeuse de la dictature brésilienne des années 70 et première femme à se trouver à la tête du pays, contre Marina Silva, la "Cendrillon" d'Amazonie, l'évangéliste écolo née dans la pauvreté, à deux doigts d'écrire un scénario digne des meilleures telenovelas. Mais un destin, beaucoup plus tracé celui-là est en passe de se réaliser. Celui d'Aecio Neves, et, à travers lui, celui de toute une dynastie.
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Destin tout tracé. En devançant largement Marina Silva (33% contre 21%), le candidat libéral du PSDB, l'un des deux principaux partis brésiliens, a déjoué les sondages et les analyses des observateurs. Il affrontera donc la présidente sortante Dilma Roussef,sortie largement en tête du premier tour avec 41% des suffrages. Finalement, le moins surpris par le résultat, c'est bien lui. Lui qui reproduit aujourd'hui le destin immuable de sa famille, aux rênes du pays depuis trois générations.
Un "fils à papa" de la politique. La politique, voilà le domaine d'excellence de l'entreprise Neves, fondée par le grand-père d'Aecio, Tancredo. Premier président brésilien élu à la chute de la dictature militaire en 1984, Tancredo Neves meurt aux portes du pouvoir, quelques jours avant d'avoir pu exercer la fonction suprême. Mais son héritage politique perdure grâce à Aecio, qui, à 20 ans, s'engage en politique avec une étiquette de "fils à papa" qu'il assumera. Il peut en effet capitaliser sur le statut de son père, également membre du Congrès de l'Etat de Minais Gerais, le deuxième plus puissant du pays, que le fils a présidé jusququ'en 2010.
Un héritage politique. Avant de devenir gouverneur d'Etat, Aecio a donc bénéficié de toutes les facilités pour gravir un à un les échelons du pouvoir. Il s'est efforcé de perpétuer la ligne politique parentale, à savoir un libéralisme économique teinté d'une sensibilité sociale. Un héritage familial, mais pas que. Comme le souligne le journaliste Franklin Martins dans Le Monde, c'est aussi l'héritage "de la principale école politique du Brésil". Celle du PSDB, parti centriste et libéral.
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Il fourbit ses armes et façonne son image. Une ligne idéologique qui remporte un certain succès dans les années 90 sous la présidence de Cardoso, jusqu'au triomphe de Lula à la présidentielle de 2003. S'ouvre alors une longue période d'hégémonie pour le Parti Travailliste (gauche), représenté aujourd'hui par Dilma Roussef. Onze années qui ont permis à Aecio Neves de se construire une stature de présidentiable. Très populaire dans son Etat, il bichonne aussi les médias, notamment les journaux people, qui font la Une sur sa "gueule de play-boy". Il forme d'ailleurs un couple très glamour avec Leticia Weber, un ancien top-modèle de 34 ans avec qui il pose pour les couvertures des magazines. Réputé drôle et charmant, il s'attache le soutien de nombreuses personnalités, dont "Il Phenomeno", l'icône du foot Ronaldo.
"Le candidat des banques". Toujours donné perdant dans les sondages, critiqué pour sa personnalité policée et son parcours de gendre idéal qui jure avec les destinées de ses redoutables adversaires, Aecio Neves est le seul à n'avoir pas douté. Aujourd'hui, celui que le Parti des Travailleurs présente comme le "candidat des banques" a fait de cette critique l'une de ses forces.
Peut-il mettre fin à la récession au Brésil ? Neves se pose en homme capable de ramener la confiance des investisseurs dans un pays dont la croissance exponentielle de ces dernières années connaît un fort ralentissement. Alors que le Brésil, septième économie mondiale, est même entré en récession à la fin du mois d'août dernier, Aecio Neves compte sur la peur du déclassement des employés et cadres moyens de la société brésilienne pour remporter ces suffrages traditionnellement acquis à la gauche.
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Il veut mener un front anti-PT. Le candidat centriste compte aussi sur le scandale politico-financier qui a éclaboussé le PT, le parti de Dilma Roussef, pour convaincre les indécis. Mais pour l'instant, c'est bien Marina Silva, arrivée troisième, qui a la clé du second tour. Le report de ses voix décidera du sort des deux candidats toujours en lice. D'après les sondages, Aecio Neves devrait bénéficier de ce report, puisque 60% des électeurs de Marina Silva déclarent vouloir lui accorder leur confiance. Cela sera-t-il suffisant pour combler son retard sur Dilma Roussef ? Aecio Neves l'espère. Car il compte bien marcher sur les traces de son grand-père.