Cela s'est joué à un cheveu. Dilma Rousseff a été réélue dimanche présidente du Brésil, au terme d'une fin de campagne serrée face à son rival Aecio Neves. A l'annonce des résultats, la dauphine du légendaire Luiz Inacio Lula da Silva a appelé au dialogue et promis d'être "une bien meilleure présidente que jusqu'à présent". Il faut dire que la gauche brésilienne devra faire face à trois défis majeurs pour le pays dans ce nouveau mandat de quatre ans.
Renouer avec la croissance. L'annonce était arrivée au plus mauvais moment pour Dilma Rousseff. En août dernier, à quelques semaines du premier tour de la présidentielle, les économistes brésiliens ont observé un deuxième trimestre consécutif de recul de la croissance du pays. Le Brésil est donc officiellement entré en récession pour la première fois depuis 2008. Inquiétant pour une économie qui a connu des années fastes depuis l'arrivée au pouvoir de Lula, le mentor en politique de Dilma Rousseff, en 2002.
Pour ce faire, la présidente sortante défend un "capitalisme d'Etat" où le gouvernement pousse les entreprises privées à l'investissement en redistribuant les richesses.
Poursuivre la lutte contre la pauvreté. Autre enjeu majeur du prochain mandat, les politiques sociales, grande réussite à mettre à l'actif du Parti des Travailleurs depuis son accession au pouvoir avec Lula en 2002.
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Les deux principaux programmes de lutte contre la pauvreté (Bolsa familia pour scolariser les enfants défavorisés et Minha Casa Minha Vida pour aider les ménages pauvres à accéder à la propriété) se sont avérés efficaces. On estime que 35 millions de Brésiliens sont sortis de la pauvreté depuis 2002, faisant passer le taux de 22% en 2004 à 9% en 2011. En parallèle, 20 millions d'emplois ont été créés et le salaire minimum a augmenté de 75%. Autant d'indicateurs qui poussent à l'optimisme. Mais la tendance sera difficile à préserver en cas de poursuite du ralentissement de l'économie, car les recettes fiscales de l'Etat s'en trouveraient amoindries.
Redonner confiance aux citoyens. La situation brésilienne est paradoxale. Rarement la défiance envers la classe politique n'a été aussi forte et répandue dans l'électorat. Pourtant, les deux candidats qualifiés pour le second tour étaient issus de l'establishment du pays, puisqu'ils représentent les deux principaux partis historiques, le PT pour Rousseff et le PSDB pour Neves.
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Le PT avait déjà été éclaboussé par un scandale de corruption sous Lula en 2004. L'attitude du gouvernement face aux manifestations contre le Mondial lors des étés 2013 et 2014, puis l'affaire Petrobras, ont achevé de discréditer les caciques de ces partis historiques. Olivier Dabène, chercheur à Sciences-Po, estime que le PT "est parvenu à limiter ses pertes" dans un contexte "d'usure du pouvoir" et de "conjoncture économique très défavorable".
Dilma Rousseff, montée au créneau pour condamner la corruption et les abus de pouvoir commis par plusieurs sommités de son parti dans l'affaire Petrobras, veut durcir les lois anti-corruption. Elle compte organiser un référendum pour lancer une réforme du système politique qu'elle n'arrive pas à faire passer depuis les mouvements sociaux de l'été 2013.