La Cour suprême du Canada a invalidé vendredi des dispositions du code pénal restreignant la prostitution, estimant qu'elles compromettaient la sécurité physique des prostituées et violaient leurs droits constitutionnels. Ces dispositions, qui empêchent de vivre de la prostitution, de tenir des maisons closes ou de solliciter des clients dans la rue, portent atteinte à des droits garantis constitutionnellement, a tranché la plus haute instance judiciaire du pays, dans une décision unanime de ses neuf juges.
Vers un nouvel encadrement. La Cour a cependant suspendu l'application de sa décision pour un an, afin de permettre au législateur, s'il le juge opportun, d'imposer d'autres limites. L'affaire n'est pas de savoir "si la prostitution doit être légale ou non", a écrit la juge en chef de la Cour suprême Beverly McLachlin. Il s'agit plutôt de déterminer "si les dispositions adoptées par le législateur fédéral pour encadrer sa pratique résistent au contrôle constitutionnel". "Je conclus qu'elles n'y résistent pas. Je suis donc d'avis de les invalider avec effet suspensif, et de renvoyer la question au législateur afin qu'il redéfinisse les modalités de cet encadrement", a-t-elle ajouté.
Ces dispositions étaient contestées par trois prostituées ou ex-prostituées, qui soutenaient que les restrictions entourant l'exercice de leur travail compromettaient leur sécurité et les empêchaient de prendre des mesures pour se protéger. Une instance inférieure avait jugé ces restrictions "arbitraires, excessives" et "disproportionnées".
Un sujet complexe. La Cour suprême a donné raison aux trois femmes en soutenant que les dispositions mises en cause "portaient atteinte à des droits garantis" par la Charte canadienne des droits et libertés, pierre angulaire de la Constitution. Néanmoins, ces dispositions ne dépouillent pas "le législateur du pouvoir de décider des lieux et des modalités de la prostitution, à condition qu'il exerce ce pouvoir sans porter atteinte aux droits constitutionnels des prostituées", a précisé la Cour.
"L'encadrement de la prostitution est un sujet complexe et délicat", a ajouté le tribunal qui, "au vu de l'ensemble des intérêts en jeu (...) convient de suspendre l'effet de la déclaration d'invalidité pendant un an".