Le militant chinois des droits civiques Chen Guangcheng, qui était au centre d'une querelle diplomatique entre Pékin et Washington, est arrivé samedi soir à New York où il a déclaré que l'égalité et la justice n'avaient "pas de frontière". Les autorités chinoises l'ont laissé quitter samedi l'hôpital de Chaoyang, à Pékin, où il se trouvait depuis trois semaines après s'être enfui fin avril de la maison où il était assigné à résidence depuis 19 mois, puis s'être réfugié dans l'ambassade américaine à Pékin.
L'affaire avait empoisonné les relations entre la Chine et les Etats-Unis, Pékin accusant Washington d'ingérence "inacceptable" dans ses affaires intérieures. Chen Guangcheng avait décidé début mai de quitter la Chine pour les Etats-Unis en raison de ses craintes pour sa sécurité dans son pays. Il est arrivé samedi aux alentours de 18h locales (22H00 GMT) à l'aéroport Newark, qui dessert New York, accompagné de sa femme et de leurs deux enfants. L'université de New York avait annoncé le jour même qu'il serait chercheur au sein de sa faculté de droit.
"Très reconnaissant envers l'ambassade américaine"
Chen Guangcheng a été accueilli à son arrivée par des responsables du département d'Etat américain, ainsi que par Jerome Cohen, co-directeur de l'Institut de droit Etats-Unis-Asie, qui appartient à la faculté. Appuyé sur une béquille, il a souri et salué la foule de partisans venus l'acclamer. "Je suis très satisfait de voir que le gouvernement chinois s'est occupé de la situation avec calme et retenue et j'espère qu'ils continueront à avoir un discours ouvert et gagneront le respect et la confiance du peuple", a-t-il déclaré à des journalistes à l'extérieur d'un immeuble résidentiel de l'université de New York, dans le quartier de Greenwich Village, au sud-ouest de Manhattan.
"Je suis très reconnaissant envers l'ambassade américaine pour son aide et (pour) avoir reçu la promesse du gouvernement chinois que mes droits de citoyen seront protégés sur le long terme", a-t-il ajouté, estimant cette promesse "sincère". Plein d'espoir, il a expliqué que rien n'est impossible, pourvu qu'on en ait le courage. "Je pense que quelle que soit la difficulté de l'environnement, rien n'est impossible pour autant qu'on y mette du coeur (...) J'espère que tout le monde travaille avec moi pour promouvoir la justice et l'équité en Chine. L'égalité et la justice n'ont pas de frontières."
"Rien est impossible"
Chen a également exprimé son inquiétude vis-à-vis de ses proches, qui se trouvent toujours dans le village de Dongshigu d'où il s'était évadé, et qui est toujours barricadé. "Les actes de représailles n'ont sans doute pas diminué". Les responsables américains n'ont pas manqué de saluer l'arrivée du célèbre dissident. Ben Rhodes, conseiller adjoint à la sécurité nationale de Barack Obama, a rendu hommade à la diplomatie qui a rendu possible la venue de Chen. "Nous saluons cette nouvelle et le fait qu'il pourra poursuivre un cycle d'études ici aux Etats-Unis à son arrivée", a-t-il déclaré lors du sommet du G8.
Jiang Tianyong, son avocat et ami, avait déclaré avant le départ de Chen et sa famille que ces derniers avaient obtenu leur passeport à l'aéroport de Pékin quelques heures seulement avant d'embarquer. "Je suis bien sûr très content", a-t-il déclaré samedi. "Quand il embarquera dans l'avion, il pourra enfin se dire 'je suis libre'. En même temps, j'éprouve un sentiment de regret parce que je me dis qu'un pays aussi grand que la Chine ne peut même pas tolérer qu'un citoyen tel que lui puisse vivre ici." Les autorités chinoises ont cédé ces dernières années à plusieurs reprises à la pression diplomatique en laissant partir des opposants, ayant conscience qu'ils auraient du mal à faire entendre leurs bruyantes critiques une fois hors de Chine.