Enfants, elles ont fait du vélo ensemble. Adultes, elles ont vu leurs chemins séparés par la dictature. Et voici qu’elles se retrouvent l’une contre l’autre dans un affrontement pour diriger leur pays. Au Chili, l’histoire de Michelle Bachelet, la candidate socialiste, ultra-favorite, et d’Evelyn Matthei, sa rivale conservatrice, ressemble à un roman. Dimanche, la première est arrivée largement en tête du premier tour de l'élection présidentielle, avec 46,74% des voix, et le second tour, le 15 décembre, ne devrait être qu'une formalité pour elle. Evelyn Matthei, elle, a récolté 25,02% des voix. Retour sur ces deux destins croisés qui se confondent avec l’histoire du Chili.
L’enfance. Les deux candidates rivales ont en commun d'avoir eu un père général. Dans les années 50, Alberto Bachelet et Fernando Matthei sont tous deux membres l’armée de l’air chilienne. Sur la base aérienne de Cerro Moreno, à Antofagasta, dans le nord du pays, les deux hommes, voisins, se côtoient et s’apprécient, partageant un goût commun pour les livres et la musique. Quand Michelle avait six ans et qu’Evelyn en avant quatre, les deux petites filles faisaient parfois du vélo ensemble. La différence d’âge les empêche toutefois de nouer une réelle amitié.
Le coup d’État. Le 11 septembre 1973, Augusto Pinochet mène un coup d’état contre le président socialiste Salvador Allende. La vie de Michelle Bachelet bascule alors quand son père, proche du président déchu, est accusé de trahison et arrêté. Six mois plus tard, il meurt en détention, torturé par ses pairs. Le directeur de l’Académie de guerre où il est détenu n’est autre que… Fernando Matthei. La justice considère toutefois qu’il n’avait pas la responsabilité directe de ceux qui y étaient détenus. D’après le livre Filles de général, qui retrace l’histoire des deux candidates, Fernando Matthei regrette aujourd’hui de ne pas avoir aidé son ami.
Les années de formation. Michelle Bachelet a été profondément marquée par la mort de son père. En janvier 1975, la jeune femme, étudiante en médecine, aide en secret des victimes du régime de Pinochet quand elle est arrêtée par les services secrets, avec sa mère. Les deux femmes sont conduites au centre de la villa Grimaldi et torturées, avant d’être libérées quelques jours plus tard. Toutes deux s’exilent alors en Australie puis en Allemagne de l’Est. Ce n’est qu’en 1979 qu’elles rentrent au Chili, en partie grâce à Fernando Matthei, qui se porte garant pour elles contre un gouvernement qui les voyait comme un danger. Diplômée en chirurgie, Michelle Bachelet ne trouve pas de poste dans le service public, pour des raisons politiques. Au même moment, Evelyn Matthei, qui a suivi des études de piano à Londres pendant un temps avant de se tourner vers l’économie, milite activement dans un parti soutenant Augusto Pinochet.
Les débuts en politique. Au sortir de la dictature, Evelyn Matthei tente de briguer la présidence en 1993, aux côtés de Sebastian Pinera, l’actuel président. La tentative est un échec. Elle devient ensuite députée, puis sénatrice. En 1998, après l’arrestation de Pinochet à Londres, elle appelle dans une vidéo à agresser le personnel des ambassades de Grande-Bretagne et d’Espagne.
En 2011, elle est finalement nommée ministre du Travail dans le gouvernement de Sebastian Pinera. La carrière de Michelle Bachelet est beaucoup plus flamboyante : l’ex-paria à l’engagement politique chevillé au corps est nommée ministre de la Santé de Ricardo Lagos en 2000, avant de devenir la toute première femme d’Amérique latine ministre de la Défense. Et entre 2006 et 2011, la consécration : elle fait un premier mandat à la tête du pays.
La campagne. Après son premier mandat, Michelle Bachelet ne pouvait pas se représenter, car la constitution interdit deux mandats consécutifs. Auréolée d’une formidable popularité, elle a décidé de se représenter en 2013, après quelques années passées à la tête de l’ONU-Femmes. Evelyn Matthei, elle, doit son investiture par la coalition de droite Alianza à une série de défection chez les caciques de la droite. Le retour de Michelle Bachelet à la tête du Chili ne semble plus faire de doute et le second tour, le 15 décembre, ne devrait être qu'une formalité pour elle. Pendant la campagne, elle a promis des réformes dans l’éducation et le social, évoquant aussi la question des communautés indiennes Mapuches. Un sujet a toutefois été soigneusement évité : celui de la dictature. Quarante ans après le coup d’Etat, les deux rivales n’ont pas prononcé un mot sur leur douloureux passé commun.
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