L'INFO. Une erreur humaine couplée à une lacune technique ? Trois jours après l'accident de Saint-Jacques de Compostelle dans le nord-ouest de l'Espagne qui a fait 78 morts et des dizaines de blessés, c'est sur cette hypothèse que les enquêteurs travaillent. Samedi, celui qui est pointé du doigt par les autorités, Francisco José Garzon, le conducteur du train, a quitté l'hôpital mais reste en garde à vue avant d'être présenté à un juge, ont annoncé les autorités. Vendredi, il a refusé de parler aux enquêteurs. "Il est en garde à vue, soupçonné d'homicide par imprudence", a confirmé le ministre espagnol de l'Intérieur, Jorge Fernandez Diaz, samedi au quartier général de la police à Saint-Jacques-de-Compostelle. Il pourrait être entendu dès dimanche par un juge.
Où en est l'enquête ? Deux enquêtes ont été ouvertes, l'une par la justice, l'autre par le gouvernement. Pour l'instant, la vitesse excessive dans une courbe dangereuse est la thèse privilégiée pour expliquer la catastrophe. Mais les experts cherchent à établir s'il s'agit simplement d'une erreur humaine ou bien d'un problème technique lié au train, à la voie ou au système de sécurité. Une porte-parole de la Cour suprême de Galice a précisé que les "boîtes noires" du train étaient toujours examinées et que les enquêteurs rassemblaient tous les éléments pour établir la cause exacte de la catastrophe.
Un conducteur expérimenté… Les enquêteurs ont pour l'instant du mal à comprendre comment ce conducteur expérimenté à pu aborder le virage dangereux où il a déraillé à 190 km/h, alors que la vitesse sur cette portion est limitée à 80 km/h. "Déjà, quatre kilomètres avant le lieu de l'accident, il s'est vu notifier de commencer à ralentir", soulignait plus tôt le président du gestionnaire du réseau Adif, Gonzalo Ferre, sur la télévision nationale.
La Renfe, la compagnie de chemins de fer espagnole qui emploie Francisco José Garzon depuis trente ans, a indiqué qu'il avait dix ans d'expérience dans la conduite des trains et qu'il opérait sur cette ligne depuis environ un an. Il est donc déjà passé à cet endroit une soixantaine de fois. Le matin de la tragédie, il avait encore conduit un train sur la même ligne entre La Corogne et Madrid, un trajet qu'il connaissait aussi très bien.
… mais accablé. Sauf que plusieurs éléments jouent en la défaveur du conducteur. Coincé dans sa cabine peu après l'accident, il aurait dit au téléphone : "j'espère qu'il n'y aura pas de mort. Je les aurais sur ma conscience". Puis Francisco José Garzon sort et voit les cadavres sur la voie : "j'ai merdé, je veux mourir", selon l'enregistrement audio de la locomotive diffusé par El Pais. Le journal El Mundo affirmait lui samedi, citant des sources proches de l'enquête, que le conducteur parlait au téléphone portable au moment du drame.
Toujours selon le quotidien El Pais, ce conducteur se serait déjà vanté sur Facebook, en mars 2012, de ses excès de vitesse : "je suis à la limite au compteur ; je ne peux pas aller au-delà sinon ils vont me mettre une amende !".
Une lacune. Le train, un modèle hybride (pouvant rouler à vitesse classique et à grande vitesse) fabriqué par l'Espagnol Talgo et le Canadien Bombardier, circulait sur une ligne à grande vitesse. A cet endroit, la voie n'est pas équipée d'un système de freinage automatique du train s'il dépasse la limite de vitesse. Une alerte est lancée et c'est au conducteur de réagir. Une lacune dénoncée par le secrétaire général du syndicat de conducteurs de trains Semaf, Juan Jesus Garcia Fraile, qui a affirmé que l'accident n'aurait "évidemment" pas eu lieu si ce tronçon avait été équipé du système adéquat.
"Les systèmes de sécurité en Europe et en Espagne sont adaptés à tout moment aux types de trains et à la vitesse maximale autorisée, et il y a des protocoles définis que doivent suivre les personnes qui ont la responsabilité de conduire le train", a répliqué la ministre des Transports Ana Pastor, sur la radio Cadena Cope.