Laurent Gbagbo est loin d’être vaincu. Le président sortant de Côte d’Ivoire, retranché dans son bunker à Abidjan - la capitale économique du pays -, gagne du terrain face aux forces pro-Ouattara, conjuguées à l'aide de la France et des Nations Unies.
Les pro-Gbagbo attaquent l’hôtel du Golf
Les forces pro-Gbagbo contrôlent désormais complètement les quartiers du Plateau et de Cocody, où se trouve sa résidence, a affirmé samedi Alain Le Roy, secrétaire général adjoint de l'Onu chargé des opérations de maintien de la paix. "Des combats se poursuivent mais nous sommes face à une impasse", a-t-il expliqué. Forte de cette avancée, la radio-télévision ivoirienne (RTI), réduite au silence depuis quelques jours en raison de la progression soudaine des forces d'Alassane Ouattara, a de nouveau émis un appel en faveur de celui qui est au pouvoir en Côte d'Ivoire depuis octobre 2000.
Alain Le Roy estime que les combattants du camp du président sortant ont profité de l'accalmie de mardi, due aux négociations engagées sur un éventuel départ du président sortant qui semblait alors grandement affaibli, pour se renforcer. Et leur progression est telle que, samedi en fin de journée, les forces pro-Gbagbo ont attaqué le Golf Hôtel d'Abidjan, qui sert de quartier général au président élu reconnu par la communauté internationale. C'est la première attaque de ce type visant directement l'hôtel où est retranché Alassane Ouattara et son gouvernement depuis le début de la crise ivoirienne il y a plus de quatre mois.
"Nous sommes attaqués à l'arme lourde et légère. Ca fait trembler les murs, le personnel est en train d'être évacué dans les sous-sols", a déclaré un employé de l'hôtel. "Les tirs sont très très proches. Des snipers ont tiré des rafales de kalachnikov. Les pro-Gbagbo nous attaquent sur tous les fronts", y compris depuis le bord opposé de la Lagune qui longe le Golf hôtel, a déclaré un résident du Golf hôtel.
En défense : les Casques bleus. Les forces onusiennes ont riposté après l'attaque des forces du président sortant.
Mystère autour de l’attaque de l’ambassade de France
Par ailleurs, la résidence de l’ambassadeur de France a été prise pour cible vendredi par deux tirs de mortier et un tir de roquette. Si l’ambassade affirme que l’attaque venait de positions pro-Gbagbo, le mystère reste entier sur cette initiative.
Car de son côté, le gouvernement sortant nie formellement cette manœuvre il a de nouveau accusé Paris de chercher à renverser le président sortant, qui refuse de céder le pouvoir à Alassane Ouattara, vainqueur de l'élection présidentielle de novembre selon des résultats certifiés par l'Onu.
Selon des témoins, des hélicoptères de la force française Licorne ont pilonné vendredi soir le secteur de la résidence du président sortant, quelques heures après les tirs présumés du clan Ouattara sur la résidence de l’ambassadeur. La force Licorne a également tenté en vain d'aider des diplomates dans la nuit de vendredi à samedi à Abidjan, avant d'y renoncer pour des raisons de sécurité, a-t-on appris auprès de l'état-major français des armées.
"La force Licorne a lancé une nouvelle opération qui visait à extraire des membres d’une mission diplomatique. On a été pris à partie assez fortement donc ça a entraîné une riposte de nos éléments", a expliqué le colonel Burkhard, porte-parole de l'état-major des armées, au micro d'Europe 1.
"Un véhicule blindé des forces pro-Gbagbo a été détruit" :
Les forces de l'ONU et de l'opération Licorne étaient présentes samedi dans le port d'Abidjan, au lendemain de la levée des sanctions de l'Union européenne. Elles "travaillent avec les services portuaires ivoiriens. Il y a eu une prise de contact samedi matin avec les autorités du port dans le cadre de la réouverture" à venir du port, a indiqué une source française.
L'Union européenne a annoncé vendredi avoir levé ses sanctions à l'encontre de deux grands ports de Côte d'Ivoire, Abidjan et San Pedro, ainsi que contre plusieurs entreprises liées notamment au secteur du cacao, afin de soutenir le président reconnu internationalement Alassane Ouattara.
Le projet de réunification en suspens
La volonté d'apaisement et de réunification de la Côte d'Ivoire, manifestée jeudi soir par Alassane Ouattara, risque de se heurter aux informations selon lesquelles des atrocités auraient été commises durant la progression de ses forces vers le sud.
Le personnel des Nations unies a annoncé vendredi la découverte en 24 heures de plus de 100 cadavres dans l'Ouest de la Côte d'Ivoire, certains brûlés vifs, d'autres jetés dans des puits. Cette découverte vient s’ajouter aux moins 800 corps au moins trouvés dans la ville de Duékoué après une explosion de violence intercommunautaire.
Alassane Ouattara s'est engagé jeudi soir à faire la lumière sur tous les massacres et à collaborer pleinement avec la justice internationale.