Le bras de fer entre Ouattara et Gbagbo est devenu militaire, avec le contrôle de la filière cacao en vue.
Les forces soutenant le président ivoirien reconnu par la communauté internationale Alassane Ouattara ont décidé de passer à l'offensive depuis lundi, quatre mois jour pour jour après le début d'une meurtrière crise post-électorale dont l'issue reste incertaine. Leur objectif : progresser en direction du sud et reprendre le contrôle de la filière du cacao, principale manne financière du pays qui permet à Laurent Gbagbo de continuer à se financer.
Les combats dans la capitale Yamoussoukro
Après avoir pris mardi le contrôle de Bondoukou, près de la frontière ghanéenne, et de Daloa, les forces pro-Ouattara ont conquis Duékoué, important carrefour stratégique menant à San Pedro, le plus important port d'exportation du cacao au monde, situé 300 km plus au sud. Depuis mercredi matin, les combats ont se rapprochent de la capitale : des combats à l'arme lourde ont lieu mercredi dans la ville de Tiébissou, située à 40 km au nord de Yamoussoukro. Les pro-Ouattara sont ensuite entrés à Yamoussoukro, la capitale, d'après les déclarations à l'AFP de plusieurs habitants.
Les combattants pro-Ouattara ont également pris mardi le contrôle d'Abengourou, une ville située à seulement 220 km au nord-est d'Abidjan. La capitale économique, et cœur du pouvoir du régime Gbagbo, n'a jamais été aussi menacée en quatre mois.
Sous pression, Gbagbo enrôle de nouveaux soldats
Confrontée à la rapide progression des forces de son rival, l'armée de Laurent Gbagbo est contrainte à enrôler de nouvelles recrues, comme l'a annoncé un communiqué officiel lu sur la télévision d'Etat mardi soir : "le moment d'enrôlement effectif est arrivé" et cela sera à partir de "mercredi 30 mars". Le président ivoirien sortant est d'autant plus sous pression que les dernières manœuvres militaires visent à lui reprendre le contrôle de la lucrative filière du cacao, qui lui permet de contourner le blocus financier.
Ces nouveaux affrontements interviennent au moment où la situation humanitaire ne cesse de se dégrader - avec, selon l'ONU, près d'un million de déplacés - et font craindre de nouveaux mouvements massifs de population. Depuis le début de la crise post-électorale, les violences ont déjà fait 462 morts, essentiellement des civils, selon l'ONU. Mais selon le camp Ouattara, le bilan est beaucoup plus lourd : au moins 832 morts.
Ouattara demande au camp Gbagbo de "déposer les armes"
La voie des armes choisie par le camp Ouattara fait suite à l'échec de tous les efforts diplomatiques tendant à résoudre pacifiquement la crise née du scrutin présidentiel du 28 novembre, qui devait sortir le pays d'une décennie de crise politico-militaire. "Toutes les voies pacifiques pour amener Laurent Gbagbo à reconnaître sa défaite sont épuisées", a déclaré Alassane Ouattara mardi dans un communiqué. C'est la première fois que le camp Ouattara choisit clairement la force et menace de faire basculer le premier exportateur mondial de cacao dans la guerre civile.
De son côté, président ivoirien sortant Laurent Gbagbo a demandé mardi à un "cessez-le-feu immédiat" et "l'ouverture du dialogue sous la médiation du haut représentant de l'Union africaine". "Faute de quoi, nous utiliserons notre droit légitime de défense", a déclaré un porte-parole du gouvernement de Laurent Gbagbo.
Mercredi, Alassane Ouattara a demandé aux partisans de Laurent Gbagbo de "déposer les armes", estimant que leur appel au cessez-le-feu était "une diversion".
La France a de nouveau "souhaité l'adoption rapide" d'une résolution de l'ONU interdisant l'utilisation d'armes lourdes en Côte d'Ivoire, surtout à Abidjan, et estimé que l'Onuci doit exercer son mandat "avec toute la fermeté requise".