Des arrêts de travail déchirés, des antécédents médicaux en partie dévoilés, … La santé du co-pilote de l’Airbus de Germanwings est au centre des interrogations sur le crash qui a coûté la vie à 150 personnes dans les Alpes-de-Haute-Provence la semaine dernière. Les révélations sur l’équilibre psychologique et de potentielles afflictions physiques s’enchaînent : tendances suicidaires, décollement de la cornée, dépression, … Le débat s’est rapidement ouvert en Allemagne, d’où est originaire Andreas Lubitz, pour savoir si le strict secret médical a empêché de prévenir la catastrophe.
En Allemagne, comme en France, le secret médical est strict : "Les médecins ont l'obligation de se taire sur ce qu'ils ont appris ou ce qui leur a été confié dans le cadre de leur profession de médecin", peut-on lire à propos du secret médical dans les préconisations de l'Ordre des médecins allemand. Le secret médical ne tombe pas après la mort du patient. Un médecin allemand risque un an de prison et une amende s'il brise cette obligation.
Des députés poussent pour modifier la loi. Dans la sphère politique allemande, plusieurs responsables ont lancé des idées pour assouplir le secret médical dans le pays, dans le cas où le patient exerce un métier "à risque". Plusieurs pistes ont été évoquées. Pour Dirk Fischer, expert des questions de transport au sein de la CDU, le parti conservateur au pouvoir, il faudrait que les pilotes "consultent seulement des médecins qui leur sont désignés par leurs employeurs". Ces praticiens "devraient être libérés de leur obligation au secret dans le cadre des communications avec l'employeur et les autorités de l'aviation civile". Un autre député de la formation d’Angela Merkel voudrait créer une commission pour trouver une réponse à cette question.
Pour autant, le débat ne se limite pas au parti au pouvoir. Dans les rangs des sociaux-démocrates, un député également docteur va dans le même sens. Il estime que les médecins devraient avoir l’obligation de prévenir les employeurs de leurs patients, si des vies sont en danger comme dans le cas du co-pilote de l’A320.
Les experts et la profession divisés. Parmi les experts en bioéthique, la question est difficile à trancher. Pour Gunnar Duttge, directeur de la section de médecine légale et de droit de l’université de Göttingen, on ne peut trouver de réponse unanime, dit-il dans le journal die Zeit. Chaque cas est singulier, selon lui. Pour Hans-Werner Teichmüller, président de l'Union fédérale des médecins de l'aviation (DFV), si un pilote choisit de voler alors qu'il en est médicalement incapable, il est "obligé d'en informer les autorités". Mais cette obligation ne concerne pas l'employeur, a-t-il souligné dans une interview à la chaîne ZDF.
Mais de nombreuses voix s’opposent frontalement à ces propositions, en particulier au sein des professions de l’air. D’après les journaux allemands die Zeit et die Welt, un syndicat de pilotes rejette l’assouplissement du secret médical. "Si mon médecin est détaché du secret médical, je ne lui parlerais d’aucun problème par peur de perdre ma licence de vol", a plaidé Ilja Schulz, le président du syndicat Cockpit. Pour Rainer Richter, président d’un syndicat allemand de psychothérapeutes, la question ne se pose tout simplement pas. Il rappelle que le secret médical souffre des exceptions : "Il est déjà autorisé de briser le secret médical dans le cas où cela peut éviter une atteinte à un tiers. C’est même obligatoire dans les cas où il s’agit de question de vie ou de mort".
Lundi, la clinique universitaire de Düsseldorf, dans laquelle Andreas Lubitz a consulté à trois reprises en février et mars dernier, a déclaré avoir transmis son dossier médical aux autorités judiciaires. Reste à savoir si son contenu sera communiqué au public.
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