De Washington à Moscou, les appels pour une enquête crédible se multiplient et mettent la pression sur la Malaisie.
Jeudi, quelques heures après le crash, Barack Obama lui-même a décroché son téléphone pour appeler la présidence ukrainienne. Sa requête : que le site où s'est écrasé l'avion MH17 de la Malaisia Airlines, avec 298 passagers à son bord, reste en l'état. Car c'est l'analyse des débris qui permettra de déterminer si l'appareil a été victime d'un tir de missile, accidentel ou non, lors de son survol de l'est de l'Ukraine, en partie aux mains des séparatistes pro-russes. De Washington à Moscou en passant par Paris et l'ONU, les appels pour une enquête approfondie se sont multipliés.
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La Malaisie chargée de l'enquête… "Dans ce type d'accident, une autorité doit prendre le leadership. Comme il s'agit d'un avion malaisien, cela devrait être la Malaisie", analyse le consultant d'Europe1 dans l'aéronautique Bernard Chabbert. Les enquêteurs malaisiens sont d'ailleurs déjà en route et devraient arriver dans peu de temps. "Ils vont très probablement demander l'aide de plusieurs agences spécialisées. Il y aura donc très certainement une sorte de conglomérat d'agences, chargées de faire la lumière sur ce qu'il s'est vraiment passé", poursuit l'expert.
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… Mais elle ne sera pas seule. Plusieurs personnalités internationales ont d'ailleurs déjà proposé leur aide à la Malaisie. L'Organisation mondiale de l'aviation civile (OACI), membre de l'ONU, a ainsi proposé jeudi son aide à l'enquête. Cette agence des Nations Unies "suit de près les nouvelles concernant ce tragique incident et assure la coordination avec toutes les parties concernées", a-t-elle assuré dans un communiqué. Le vice-président américain, Joe Biden, a également proposé l'aide des Etats-Unis. "La France devrait probablement le faire aussi, elle en a les compétences", estime aussi au micro d'Europe1 Gérard Arnaud, président du comité de veille de la sécurité aérienne.
Objectif : analyser les débris. Les séparatistes ukrainiens ont annoncé vendredi qu'ils allaient garantir l'accès et la sécurité de la commission d'enquête nationale dans le secteur qu'ils contrôlent. Réagissant aux appels de la communauté internationale, les autorités ukrainiennes ont également assuré qu'elles mettraient en place un couloir humanitaire aérien pour accéder au lieu de la catastrophe aérienne et permettre le début de l'enquête. Et c'est là un enjeu crucial.
"Des gens ont déjà fouillé les décombres. Les rebelles se sont baladés toute la nuit. Il n'y a pas eu de périmètre de sécurité", regrette ainsi Gérard Arnaud. Car c'est dans l'analyse des débris que se trouvera la vérité. "Si l'avion a vraiment été frappé par un missile, ce n'est pas les boîtes noires qui nous le dirons, mais plutôt l'étude des débris, de leur forme, de la manière dont leur arrivée au sol a pu les déformer", décrypte Bernard Chabbert.
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Les boites noires parleront-elles ? Les secouristes ukrainiens ont retrouvé vendredi la seconde boîte noir, selon un cameraman de Reuters présent sur les lieux. Les séparatistes pro-russes avaient déclaré jeudi qu'ils avaient récupéré le premier enregistreur du Boeing. Selon la législation internationale, il revient à l'Ukraine de les saisir. À quoi vont-elles servir ? "Elles pourront nous dire si tout fonctionnait. Et l'enregistreur des conversations aura peut-être capté un bruit d'explosion", explique le consultant d'Europe1 dans l'aéronautique Bernard Chabbert.
Bavure ou acte commandité ? Quelques indices se dégagent déjà, sans non plus permettre de tirer de conclusion franche. "Les débris sont répartis sur un rayon d'une quinzaine de kilomètres, pas entier. On a trouvé des documents et des sièges intacts, on peut donc s'attendre à une explosion en vol", décrypte Gérard Arnaud. Reste une question : s'il s'agir d'un missile, était-il vraiment destiné à abattre un avion de ligne, civil ? "Pour abattre un avion de ligne à cet altitude, il faut déjà des missiles extrêmement sophistiqués, qui ont normalement des radars automatiques pouvant faire la différence entre un avion de ligne et un avion militaire. Mais personne n'a intérêt à abattre un avion civil. Je pense plutôt à une bavure", avance pour sa part le président du comité de veille de la sécurité aérienne.
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La pression monte. De toutes parts, des voix se sont élevées après le crash pour réclamer que lumière soit faîte. Le président américain Barack Obama a réclamé une enquête "rapide" et "sans entraves". Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a lui demandé une enquête internationale "complète et transparente". "Les faits et les responsabilités doivent être établis le plus rapidement possible", ont abondé dans un communiqué commun le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, et le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy.
Faisant part de son "immense émotion", le président français François Hollande a lui aussi demandé que "tout soit mis en oeuvre pour faire la lumière" sur les causes de l'incident, à l'heure où autorités de Kiev et les séparatistes pro-russes s'en rejettent mutuellement la responsabilité. Son appel a été notamment relayé par la chancelière allemande Angela Merkel qui a appelé à des investigations "immédiates et indépendantes".
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Quant au président russe, Vladimir Poutine, il a déjà trouvé son coupable. Il a en effet accusé l'Ukraine de "porter la responsabilité" du crash en ayant repris ses opérations militaires dans l'est du pays. Il a demandé; toutefois, à ce que "toute la lumière soit faite" pour éclaircir les circonstances du drame.