A partir du 14 janvier, les Cubains n'auront besoin que d'un simple passeport et d'un visa pour aller à l'étranger. Après un demi-siècle de restrictions imposées aux Cubains désireux de voyager, le régime de Castro a annoncé mardi qu'il allait réformer la loi migratoire. Pour autant, cette ouverture du régime est accueillie avec scepticisme à Cuba.
Outre la suppression de la "carte blanche" -le permis de sortie délivré par les autorités- et de la lettre d'invitation, la durée de séjour à l'étranger se voit porter de onze mois à 24 mois, selon la loi qui entre en vigueur 90 jours après sa publication mardi au Journal officiel de Cuba.
"Où est ce que je vais trouver l'argent"
"C'est très bien", assure dans le New York Times, Laydis, 30 ans, un employé de banque de La Havane. "Mais quel pays intéressant va me donner un visa ?", se demande-t-il. Sa collègue, Maricel, 44 ans, qui a droit à un passeport espagnol de part ses grands-parents, a identifié un autre problème. "Bien sûr, je peux y aller, dit-elle. Mais où est ce que je vais trouver l'argent ?", déplore-t-elle.
Alors que le salaire cubain moyen n'est que de 19 dollars, les formalités -passeport, visa du pays de destination et documentation- peuvent atteindre 500 dollars. Sans compter le prix du billet, ce qui est hors d'atteinte pour la population cubaine. "Cette annonce m'a perturbé parce que tout ce qui a été fait depuis 50 ans, est en train de changer. Tout ce qu'ils nous ont dit n'était pas vrai alors. Je ne comprends rien", a témoigné Maria Romero, une habitante de La Havane, dans le Miami Herald.
La célèbre blogueuse cubaine d'opposition Yoani Sanchez, qui affirme avoir essuyé vingt refus de "carte blanche", a réagi sur Twitter : "mes amis me disent de ne pas me faire d'illusion, que je suis sur la 'liste noire', mais j'essaierai".
#Cuba Mis amigos dicen que no me haga ilusiones con nueva "Ley Migratoria"... me aclaran que yo estoy en la "lista negra" Pero lo intentare!— Yoani Sánchez (@yoanisanchez) Octobre 16, 2012
"Le capital humain de la révolution"
Néanmoins, "il faut voir ce qui change dans la loi" parce que le gouvernement supprime le permis de sortie mais "en même temps, il parle de conditions qui ne sont pas claires", a ajouté Omar López Montenegro, directeur du département des droits humains de la Fondation nationale américano-cubaine (FNCA). Un casier judiciaire ou une dette avec l'Etat peut exclure du droit au passeport, mais la loi évoque également d'imprécises "raisons de défense et de sécurité nationale" qui peuvent servir à refuser la délivrance d'un document d'identification.
Car en effet, si la plupart des Cubains n'auront désormais plus besoin que de leur document personnel, de nombreuses catégories professionnelles -médecins, ingénieurs, sportifs de haut niveau- resteront soumises à une autorisation préalable pour "préserver le capital humain de la Révolution". Selon certains analystes, la réforme serait même encore plus pernicieuse : il s'agirait pour le gouvernement d'encourager sa population à voyager afin qu'elle ramène de l'argent à Cuba, dont l'économie est de plus en plus moribonde.