"Le peuple de l'Etat de New York contre Dominique Strauss-Kahn". L’intitulé du dossier numéro 2011NY035773 - celui de DSK - est un raccourci implacable de la bataille judiciaire qui s’est ouverte lundi devant le tribunal pénal de Manhattan. En plaidant non coupable, la défense s’oriente vers la tenue d’un procès public. Chaque camp, l’accusation et la défense, devrait donc dans quelques mois faire valoir ses arguments face à des citoyens américains. Sitôt, la brève audience de lundi terminée, les deux parties se sont d'ailleurs affrontées devant la presse, donnant un avant-goût des joutes juridiques qui devraient avoir lieu jusqu'au procès.
La défense. Pour se défendre, DSK a fait appel à des ténors du barreau de New York : William Taylor, mais surtout le redoutable Benjamin Brafman, connu pour avoir évité la prison à plus d'une célébrité. Ce dernier voit dans la décision de "DSK" de plaider non coupable "une déclaration forte et éloquente". "Je ne pense pas du tout que M. Strauss-Kahn soit coupable des faits qu'on lui reproche, et je peux vous prédire qu'il sera relaxé", avait-t-il confié à la presse dès dimanche.
L’accusation. Elle est incarnée par Cyrus Vance, le procureur de New York. C’est à lui, et son équipe, qu’incombe de démontrer la culpabilité de DSK. Il s’est récemment entouré de deux procureurs-adjoints supplémentaires, des femmes, pour cette affaire – présentée par beaucoup d’experts comme celle de sa vie. C’est le bureau du procureur qui a établi, sur la base des décisions d'un "Grand jury", les sept chefs d'accusation retenus contre DSK, dont agression sexuelle, tentative de viol et séquestration. "Ces accusations sont d'une extrême gravité", avait commenté Cyrus Vance dès le début de la procédure.
Les avocats de l’accusatrice en retrait. A contrario de ce qui pourrait se passer en France, les trois avocats de la victime présumée devraient continuer à rester dans l’ombre dans un premier temps. Lundi, l'un d'eux, Me Kenneth Thompson, a tout de même fait une brève déclaration à la presse pour dire que sa cliente témoignerait en cas de procès. La victime n’a, pour l'heure, pas encore porté plainte au civil. Elle a un an pour le faire en vue d’obtenir des indemnités.
Les clefs de la bataille
Relation sexuelle consentie ou agression sexuelle ? Les informations qui ont filtré dans la presse sont contradictoires mais l’accusation pourrait avoir recueilli des preuves, ADN ou autres, permettant d’établir qu’il y a bien eu relation sexuelle entre DSK et l’ex-employée du Sofitel. Mais s'il n'y avait pas de traces de violences, ce serait parole contre parole, avocat contre procureur. Lundi, l'avocat de la victime présumée Me Kenneth Thompson a assuré : "c'était une agression sexuelle terrible".
Mais l’un des avocats de DSK, Benjamin Brafman a répliqué lundi, à l'issue de l'audience : "il va apparaître clairement qu'il n'y a pas d'élément fort montrant qu'il y a eu contrainte dans cette affaire, toute suggestion du contraire n'est tout simplement pas crédible". "Les preuves médico-légales ne valideront pas la thèse de l’usage de la force", avait déjà avancé l'avocat avant l'audience. La défense plaiderait donc la relation sexuelle consentie, une ligne de défense classique dans les affaires de viol présumé.
La crédibilité de l’accusatrice. La crédibilité et la force du témoignage de la victime présumée sont déterminantes dans les affaires de viol. Or, l’accusation présente régulièrement depuis le début de l’affaire la victime présumée comme crédible et irréprochable. Lundi, à l'issue de l'audience, son avocat la présentait comme "une femme digne et respectable" qui témoignera contre l'ancien patron du FMI.
La défense devrait pourtant tout faire pour discréditer cette dernière auprès des jurés. Tout élément susceptible d’entamer son image d'immigrée africaine pieuse, mère célibataire modèle et travailleuse devrait ainsi être exploité. Les avocats de DSK pourraient, par exemple, insinuer que l’accusatrice est motivée par l’argent. Une accusation d'ores et déjà rejetée par l'un des avocats de la victime présumée : "la victime tient à ce que vous sachiez que tout l'argent de DSK ne changera rien à ce qui s'est passé dans cette chambre d'hôtel", a expliqué Kenneth Thompson lundi. "Elle défend sa propre dignité, elle veut se défendre en tant que femme. Ce que nous faisons, c'est protéger les droits de la victime et nous travaillons pour cela avec le bureau du procureur", a poursuivi l'avocat.