Alors que l'hypothèse d'un non-lieu au pénal apparaît de plus en plus sérieuse, la femme de ménage qui accuse Dominique Strauss-Kahn de crimes sexuels n'en restera de toute façon pas là. "En cas de non-lieu, il y aura des poursuites au civil" a prévenu jeudi Kenneth Thompson, l'avocat de Nafissatou Diallo.Qu'implique une plainte au civil ? Quel est son déroulement outre-Atlantique ? Europe1.fr fait le point.
De l'argent en jeu. Au pénal, le but est de condamner l'accusé à une peine. Au civil, c'est d'obtenir des dommages et intérêts. Dans le cadre de l'affaire DSK, Nafissatou Diallo se retrouvera directement contre DSK, il n'y aura plus d'intervention du procureur. L'Etat de New-York n'est en effet plus là, c'est un procès entre personnes privées. Le jugement est rendu par un jury populaire.
Un procès à part. Même si le procureur Cyrus Vance abandonne les charges au pénal, DSK aura droit à un procès au civil. Si en France, les actions civiles et pénales sont conjuguées (une fois que la juridiction a statué au pénal, elle examine la question des dommages et intérêts), il en va différemment aux Etats-Unis. Il y a une distinction de juridiction et de temps. La procédure civile ne se déroule donc pas au même moment, ni dans la même salle ou dans le même procès, mais après, dans un procès civil séparé. On peut lancer l'action au civil en même temps que le pénal. Mais il n'est pas vraiment dans l'intérêt du plaignant de le faire parce que ça peut indiquer qu'il est davantage motivé par l'argent, souligne Pierre Hourcarde, avocat aux barreaux de Paris, New York et de Californie joint par Europe1.fr.
Plus facile de convaincre au civil qu'au pénal. Le poids de la preuve n'est pas le même. Aux Etats-Unis, la charge de la preuve est moins exigeante au civil. Au pénal, il faut convaincre douze jurés à l'unanimité, "au-delà du doute raisonnable", de la culpabilité de l'accusé. "Il faut être sûr à 99% que l'accusé a commis les faits reprochés", résume Pierre Hourcarde. Au civil, on parle de prépondérance de la preuve. Pour condamner l'accusé à des dommages et intérêts, il doit apparaître plus probable qu'il ait commis les faits plutôt que l'inverse. "DSK a beaucoup plus de chances d'être acquitté au pénal que de s'en sortir sans condamnation pécuniaire au civil. Il paraît peu probable qu'il ressorte indemne d'un procès civil", pronostique Pierre Hourcade.
Des dommages punitifs. Aux Etats-Unis, en plus des dommages et intérêts réels, l'accusé peut se voir infliger des dommages et intérêts punitifs ("punitive damages"). Ils sont généralement donnés à titre d'exemplarité. Il s'agit parfois de sommes délirantes, mais elles peuvent être révisées en appel. Parfois, l'accusé préfère négocier plutôt que de faire appel. Le jury fixe librement cette somme, alors que pour les dommages et intérêts réels, le montant est chiffrable au regard des éléments de preuve.
QUELQUES PRÉCÉDENTS
Le procès Liebeck contre McDonald's en 1994. Il s'agit de l'un des exemples américains les plus révélateurs des sommes exorbitantes parfois accordées au civil. Dans cette affaire, une femme de 79 ans a poursuivi McDonald's pour s'être gravement brûlée dans sa voiture après avoir renversé sur ses genoux un café très chaud acheté au fast-food quelques minutes plus tôt. McDonald's a été condamné à verser 160.000 dollars de dommages et intérêts et 2,7 millions de dollars de dommages punitifs. L'enseigne a fait appel et conclu un accord avec la plaignante pour un montant non révélé, mais qui serait trois fois inférieur à celui décidé en première instance.
O.J Simpson. Reconnu innocent en 1995 du meurtre de sa femme et de l'ami de celle-ci, l'ancienne star du football américain a été jugée responsable au civil et a été condamnée à payer plus de 33 millions de dollars de dommages aux familles des victimes. O.J Simpson avait auparavant pris soin de mettre une grande partie de ses biens à l'abri.