Les quelque 10.000 habitants de l’île d’El Hierro, la plus petite de l’archipel espagnol des Canaries, ont de quoi être fiers : leur île sera bientôt la première au monde à être entièrement autonome en électricité, grâce aux énergies renouvelables. Une centrale inaugurée fin juin mobilise cinq éoliennes, associées à deux bassins, l’un en hauteur et l’autre en contrebas, selon un schéma unique. Si le vent faiblit, c’est en effet l’énergie hydroélectrique qui prend le relais, en relâchant l’eau du haut vers le bas. Plusieurs îles, comme Hawai, Samso, au Danemark, Oki au Japon, ou encore l’Indonésie, sont intéressées par ce projet.
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Le modèle est-il exportable ? Réponse avec Laurent Peyres, responsable projets énergies renouvelables chez Artelia, un bureau d’étude français qui travaille, entre autres, dans le secteur de l’environnement.
Est-ce que ce système peut être installé n’importe où ? Tout d’abord et c’est une évidence : pour installer des énergies renouvelables, il faut qu’il y ait un potentiel ou une ressource en énergies renouvelables (site suffisamment venté, ensoleillement solaire suffisant, biomasse, biogaz…). Typiquement, El Hierro est un environnement très propice : une île volcanique, favorable à l’implantation de fermes éoliennes et d’une Station de transfert d’énergie potentielle (STEP, [avec deux bassins, l’un en hauteur et l’autre en contrebas]), située dans une zone à fort potentiel solaire. Le système de la STEP n’est reproductible que si on trouve un endroit avec une falaise abrupte, comme typiquement sur île volcanique. On ne peut pas imaginer une STEP dans les Landes ! Cela dit il existe aussi d’autres solutions de stockage, plus ou moins matures, comme les parcs de batteries, les volants d’inertie ou le stockage à air comprimé.
L'un des deux bassins de la centrale d'El Hierro :
Combien coûte ce genre de dispositif ? Au-delà de la reproduction technique, la question c’est aussi de savoir si c’est acceptable par les populations. Et à l’heure actuelle, les systèmes d’énergies renouvelables et de stockage ne sont pas compétitifs. Les énergies renouvelables sont beaucoup plus chères, surtout en intégrant un système de stockage, que les énergies fossiles. Pour ces dernières, le prix ne prend pas en compte l'impact sur l'environnement, comme le coût du démantèlement d'une centrale ou les effets sur la santé.
Et puis normalement, pour tout projet d’énergie renouvelable, la production doit être liée à la consommation. Si on consomme moins, on n’aura pas besoin d’augmenter notre parc de production. A El Hierro, il y a une action sur la demande, avec des équipements basse consommation, des bâtiments construits de façon à limiter la clim’… Il faut des actions de sensibilisation, pour que les gens consomment moins et mieux.
Des éoliennes dans le sud de la France :
Le modèle d’El Hierro peut-il représenter une solution pour les pays en développement ? En Afrique, le potentiel solaire est évident, alors pourquoi on ne parlerait pas de l’autonomie du Mali ? Les énergies renouvelables, on peut les trouver, mais elles sont excessivement coûteuses. Nous avons travaillé sur d’autres projets en Afrique, qui s’inspiraient d’El Hierro, en mettant en place des énergies renouvelables, sans stockage. Même en faisant cela, le coût de l’électricité augmente. En France, les énergies renouvelables sont subventionnées par les pouvoirs publics et les usagers, mais en Afrique le financement est à trouver.
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