Le marasme. Un tiers des résidents sous le seuil de pauvreté, des quartiers dépourvus d'éclairage public, les deux tiers des ambulances qui ne circulent plus, 25% d'habitants en moins en 10 ans… Voilà ce que donne, dans les faits, une ville en "faillite". C'est la situation que connaît Détroit, qui vient d'engager les démarches pour être juridiquement considérée en état de "faillite". La ville reconnait ainsi qu'elle est noyée sous les créances et n'a plus assez de ressources pour remonter à la surface. C'est à la justice fédérale que revient maintenant la décision de lui accorder ce statut, qui mettrait entre parenthèse les quelques 18,5 milliards de dollars (14 milliards d'euros) de dettes de Détroit. Et acterait la plus grosse banqueroute de l'histoire des États-Unis.
Un terme qui fait peur. Mais en termes juridiques, que signifie-la "faillite" d'une ville ? Le terme a de quoi faire frémir tous les habitants de Détroit. Une entreprise qui fait faillite, elle, ferme carrément ses portes. Ses employés quittent le navire et les biens sont saisis. Est-ce donc ce qui va arriver à Détroit ? Va-t-elle, si la justice fédérale déclare la faillite, licencier tous ses fonctionnaires, céder tout son patrimoine à ses créanciers et inviter les habitants à aller se faire soigner ailleurs ? Une telle situation peut-elle se produire en France ? On décrypte.
Un moyen pour Détroit de rebondir. "La mise en faillite est l'unique solution qui permettra à Detroit de redevenir stable et viable", a estimé jeudi le gouverneur de l’État de Michigan, le républicain Rick Snyder. Si la justice fédérale accepte de lui accorder ce statut, la ville sera en effet placée sous le régime du chapitre 9 de la loi américaine sur les faillites. Ce cadre législatif contraindrait alors les 100.000 créanciers de Detroit à négocier le montant des dettes avec le gestionnaire financier de Détroit Kevyn Orr, nommé par le gouverneur du Michigan. Et il empêcherait également la dissolution des équipes municipales.
L’austérité va se poursuivre. "Le but de cette loi est d'éviter une situation chaotique incontrôlable. Un dépôt de bilan équivaut à enfoncer la touche 'pause', à garder intacts les services et à fournir une structure permettant d'empêcher les poursuites judiciaires", avait déclaré en 29 juin 2012 le maire de Stockton, en Californie, plus grosse ville à avoir fait faillite après Détroit, cité par Le Figaro. L'austérité mise en place depuis plusieurs années par la mairie de Détroit ne devrait pas pour autant s'arrêter. Comme à Stockton, pour entamer les négociations avec les créanciers, le gestionnaire de Détroit va devoir réclamer des nouvelles baisses de salaires de fonctionnaires, supprimer des subventions et mettre entre parenthèse les investissements et les travaux dans la ville.
En France, ça n'existe pas. Le droit français exclut la faillite d'une collectivité. En cas de point de non retour, c'est l’État qui prend le relai. Le préfet se voit alors attribuer les pouvoirs du maire et coupe automatiquement toutes les dépenses sauf les nécessaires : paie des fonctionnaires et remboursement des créanciers. "Dans la majorité des pays européens, la législation sur la faillite exclut les personnes publiques de son champ d'application. Pour une collectivité locale, la propriété des actifs ne peut pas être transférée aux créanciers", décrypte l'économiste Stéphanie Serve, dans son ouvrage Le risque financier des collectivités locales en Europe. "Ainsi en vertu du principe de continuité du service public, une collectivité locale ne peut pas disparaître suite à une défaillance financière et ce quel que soit son niveau d’endettement", poursuit-elle.
D'autres pays que les États-Unis incluent les collectivités dans le droit des faillites. Mais peu de banqueroute ont un retentissement d'une ampleur comparable à celle de Détroit. En 2006, l'ancienne ville minière de Yubari, au Japon, avait connu le même sort et défrayé la chronique au pays de soleil levant. Elle comptait 13.000 habitants. Détroit en a 700.000.