Son statut de victime est enfin reconnu, après ce procès en appel. La justice tunisienne a doublé la peine à l'encontre de deux policiers, jugés coupables d'avoir violé une jeune femme en 2012. Cette affaire avait fait grand bruit, car la victime, qui se trouvait avec son petit ami de l'époque au moment de l'agression, avait failli être poursuivie pour "attentat à la pudeur".
Le tribunal a donc décidé de condamner les deux officiers à 15 ans de prison, un verdict salué comme "un grand pas dans ce genre d'affaires" par une avocate de la victime. Pour le chef du comité de défense des policiers, Sami Rebaï, cette condamnation est "excessive", mais il n'a pas pu dire si ses clients allaient se pourvoir en cassation. La jeune femme, qui utilise le nom d'emprunt de Meriem Ben Mohamed, a dit être "satisfaite que le tribunal ait aggravé la peine". "Mais elle reste à mes yeux insuffisante comparée au crime odieux qu'ils ont commis", a-t-elle toutefois ajouté.
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Ils s'en tiennent à leur version. Les agents avaient en affirmé avoir surpris le couple en train d'avoir des relations sexuelles dans une voiture.Lors d'une confrontation organisée lundi, la jeune femme de 27 ans au moment des faits "s'est tenue face aux policiers et leur a dit: 'Vous m'avez violée et toi, le troisième, tu as emmené mon fiancé au distributeur pour retirer de l'argent. Quand tu es revenu, tu as trouvé ton collègue en train de me violer dans la voiture, et tu n'as rien fait, et tu as empêché mon fiancé de me défendre'", selon son avocate. Devant le juge, les policiers avaient de nouveau nié le viol, accusant au contraire la jeune femme de leur avoir fait des avances.
Toujours traumatisée. Au moment de l'arrestation des policiers, le parquet tunisien avait envisagé de poursuivre également le couple pour "attentat à la pudeur". Mais un non-lieu a été prononcé.
Meriem Ben Mohamed, toujours terrassée par la honte, avait publié en France un livre, Coupable d'avoir été violée. "Ils m'ont tuée. Ma vie a été totalement bouleversée. J'avais des rêves, des projets, mais maintenant je ne pense qu'à ce que justice me soit rendue", a-t-elle affirmé, peu avant l'annonce du verdict. Selon le rapport d'expertise psychologique joint au dossier, Meriem Ben Mohamed souffre de "dépression compliquant un état de stress post-traumatique".