Les Etats-Unis et ses alliés veulent couper les vivres à l’Etat islamique. Cette semaine, les avions coalisés ont bombardé par deux fois des installations pétrolières contrôlées par le groupe djihadiste en Syrie. Une douzaine de raffineries ont notamment été visées dans le nord-est du pays. En mettant la main sur des pans entiers du territoire syrien, l’Etat islamique a aussi récupéré la plus grande richesse de la région : l’or noir. Et il exploite désormais un pétrole qui se retrouve dans nos voitures, sans qu’aucun contrôle ne soit possible.
Une minuscule partie se retrouve sur le marché. Impossible en effet de tracer les réseaux qui permettent au brut des djihadistes de se retrouver dans les stations essences occidentales. Cette manne, qui rapporte entre 1 et 3 millions de dollars par jour à l’Etat islamique, sert principalement à remplir les réservoirs des véhicules utilisés dans les combats, pick-ups ou blindés.
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Une autre partie est raffinée sur place, dans des usines mobiles, parfois installées dans des préfabriqués. Ce pétrole traité est ensuite injecté dans les stations essence syriennes, pour subvenir aux besoins de la population locale.
Le reste, une infime partie de leur production, est exporté et se retrouve à l’état de traces dans les raffineries européennes et américaines. Cet or noir passe par le Kurdistan, qui jouit d’une large indépendance économique, et par les réseaux mafieux turcs. Discrètement, des dizaines de camions citernes passent la frontière avec la Turquie et commercent avec des bandits locaux. Le pétrole est revendu à des prix défiant toute concurrence : 30 à 40 dollars le baril contre 90 dollars environ sur le marché légal.
Du pétrole camouflé. "L’Etat islamique ne peut évidemment pas commercialiser son pétrole comme une compagnie pétrolière ayant pignon sur rue", affirme Francis Perrin, président de Stratégies et politiques énergétiques. Alors pour blanchir cet or noir, deux solutions. "Soit on donne à ce pétrole une autre origine que son origine réelle", explique le spécialiste, "soit on le mélange avec un autre brut, pour faire disparaître son origine sanglante".
Il devient alors du pétrole turkmène, kurde ou encore irakien, envoyé dans les cuves des tankers du port de Ceyhan, en Turquie. Et une fois que ce pétrole djihadiste se retrouve sur le marché, dans des proportions mineures, il est vendu et envoyé à travers le monde, direction les Etats-Unis, l’Asie, mais aussi l’Europe. Les volumes sont négligeables à l’échelle du marché mondiale, relativise toutefois Francis Perrin. L’Etat islamique produit environ 80.000 barils par jour, environ 0,1% de la production mondiale. "Mais ils sont importants pour l’Etat islamique" qui en retire assez d’argent pour payer ses mercenaires et acheter ses armes.
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Quant à savoir si des négociants en hydrocarbures se rendent complice de cette marchandisation du pétrole du sang, "cela me semble hautement improbable vu le contexte actuel", explique Francis Perrin. Ce serait prendre beaucoup de risques politiques et légaux alors que la condamnation de l’Etat islamique est unanime. Aucun intérêt alors qu’en ce moment, la production de pétrole est largement supérieure à la demande.