L'image a fait le tour des télévisions. On voit, sortant très précautionneusement de l'avion, un brancard sur lequel la journaliste Edith Bouvier est allongée. Mais avant la délivrance, vendredi après-midi à l'aéroport militaire de Villacoublay, la journaliste, accompagnée du photographe français William Daniels, a connu des moments terriblement difficiles dans l'enfer de Baba Amr, le quartier de Homs, en Syrie. Retour sur les moments-clés de ces neuf jours.
Mercredi 22 février, la blessure
La première journée d'Edith Bouvier et William Daniels à Homs commence par des tirs d'artillerie. "Il y a eu au moins cinq explosions successives, très proches. On avait vraiment l'impression que nous étions directement visés", racontent-ils au Figaro. Dans le tir de roquette qui tue Marie Colvin et Rémi Ochlik, Edith Bouvier et Paul Conroy sont blessés.
"J'ai hurlé", explique-t-elle. Indemne, William Daniels la porte à l'abri avant de constater ses blessures. Edith Bouvier est transportée rapidement dans le petit hôpital de campagne installé par les insurgés dans un appartement. "Ils m'ont fait une radio et ont réalisé que ma jambe était fracturée au niveau du fémur. Ils m'ont dit : 'il faut t'opérer rapidement. Il faut t'évacuer !' C'est là que commence la grande évasion".
Jeudi 23 février, la vidéo
Nécessitant une prise en charge médicale plus importante, la journaliste française finit par demander de l'aide via une vidéo, "la seule chose qu'on a hésité à faire", témoigne-t-elle après coup. "C'était l'idée des insurgés syriens. Au début, on ne voulait pas. Mais on s'est aperçus qu'ils avaient très peur que le régime prétende qu'on était gardés en otage et les fasse passer pour des terroristes". La vidéo dure six minutes :
A partir du 24 février, l'impossible évasion
Plusieurs tentatives d'évacuation échouent, et l'inquiétude grandit chez les journalistes. "On avait peur que se produise quelque chose comme lorsque Gilles Jacquier avait été tué", explique au quotidien William Daniels, également inquiet de l'attitude des ambulanciers locaux. "Ils avaient l'air de chercher quelque chose, ils regardaient partout". Les ambulanciers quittent finalement les lieux en assurant les journalistes qu'ils reviendront les chercher vingt minutes plus tard, "on ne les a jamais revus". Leurs inquiétudes semblaient fondées : "Ils avaient parfaitement localisés où on était. Le soir même, les obus sont tombés juste à côté de notre immeuble", assurent-ils.
26 février, premier essai manqué
Dans la nuit, l'armée syrienne libre décide d'exfiltrer les blessés par un tunnel exigu et long de plusieurs kilomètres. "Il y en avait des dizaines et des dizaines. C'est alors que j'ai réalisé les terribles blessures de certains autres et que j'étais loin d'être la plus gravement atteinte". Solidement "scotchée à ma civière", Edith Bouvier est portée à tour de rôle par quatre volontaires.
Le convoi est stoppé par des tirs de l'armée sur la sortie du tunnel. "L'un des brancardiers m'a posé sa kalachnikov sur moi et m'a mis la main sur le front en récitant une prière. J'étais assez peu rassurée", commente la journaliste, avant de préciser : "j'ai eu très envie de m'enfuir, avant de me rappeler que j'étais immobilisée". Le groupe est isolé et doit rebrousser chemin avec l'aide d'un motard providentiel qui les a pris sur sa moto. "Elle heurtait les parois, on manquait de tomber. Je me suis cognée plusieurs fois, je me suis aperçue que je saignais à la tête".
27 février, l'opération avant la fuite
De retour dans l'hôpital de campagne, Edith Bouvier est prise en charge par les médecins, inquiets de son escapade en moto. Ils décident de lui injecter de la Kétamine, un anesthésiant, pour l'opérer. Le lendemain, à son réveil, les rebelles leur proposent de tenter le tout pour le tout : quitter la ville en voiture par un itinéraire secret. "On a accepté", témoigne-t-elle. "On sentait qu'on était à bout, psychologiquement et physiquement, et qu'il fallait qu'on sorte". L'opération, très périlleuse, est prévue pour le lendemain.
28 février, la fuite
Dans la tempête de neige et de pluie, l'opération commence. Les deux journalistes sont promenés de cachettes en cachettes. Ils sont hébergés par des habitants qui prennent des risques et les appellent par leur prénom. Ils sont connus à Homs. Avant chaque nouveau trajet, ils sont précédés par une équipe d'éclaireurs. "Ils se sont vraiment mis en danger pour nous. Ils ont tout fait pour nous", confie Edith Bouvier. L'opération prend fin quatre jours plus tard, le 1er mars, lorsqu'ils franchissent la frontière libanaise après une quarantaine de kilomètres de périple.
2 mars, l'arrivée à Paris
Partis en début d'après-midi de Beyrouth dans un avion médicalisé, Edith Bouvier et William Daniels atterrissent sur le tarmac de l'aéroport militaire de Villacoublay, où ils sont accueillis par Nicolas Sarkozy, Serge Dassault, le patron du Figaro, et quelques proches. La journaliste est emmenée à l'hôpital militaire de Percy, à Clamart. William Daniels, lui, a levé le poing en signe de victoire. Ils sont libres.
Leur arrivée à Villacoublay :