Tous les pouvoirs sont désormais entre ses mains. Alors que les deux candidats à l'élection présidentielle égyptienne, l'islamiste Mohamed Morsi et l'ancien Premier ministre Ahmed Chafik revendiquent la victoire, l'armée a sifflé la fin de la partie dans la nuit de dimanche à lundi.
Le Conseil suprême des forces armées (CSFA) dirigé par le maréchal Hussein Tantaoui, ministre de la Défense de Moubarak pendant vingt ans jusqu'à la chute du "raïs" en février 2011, a en effet annoncé la limitation des prérogatives du prochain président mais aussi le transfert du pouvoir législatif à l'armée. En résumé, le nouveau chef de l'Etat égyptien se bornera à "inaugurer les chrysanthèmes".
L'Assemblée dissoute samedi
Le Parlement, dominé par les Frères musulmans, a été dissous samedi après l'invalidation d'un tiers des sièges par la Haute Cour constitutionnelle, deux jours plus tôt. Pour éviter une vacance du pouvoir législatif, le CSFA a donc annoncé le transfert du pouvoir législatif à l'armée jusqu'à l'élection d'une nouvelle assemblée.
Ce scrutin ne pourra toutefois pas avoir lieu avant la rédaction d'une nouvelle constitution par une commission ad hoc et son adoption "par voie de référendum", précise le texte publié par le CSFA. L'armée s'accorde en outre un droit de veto sur tout article qu'il estime "contraire aux intérêts suprêmes du pays". La déclaration stipule aussi que le CSFA du maréchal Hussein Tantaoui "dans sa composition actuelle a pouvoir de décision pour tout ce qui relève des forces armées, la nomination de ses commandants et la prolongation de leur service".
Assurer "l'équilibre des pouvoirs"
Le futur président, dont on ne connaîtra officiellement l'identité que jeudi, n'aura donc que peu de marge de manœuvre. L'armée remettra les clés de l'exécutif "d'ici le 30 juin", a assuré un membre du CSFA. Pour l'armée, l'objectif est d’assurer "l'équilibre des pouvoirs".
L'inquiétude de Washington
Depuis ces annonces en cascades, les réactions se multiplient en Égypte mais aussi sur la scène internationale. Les Frères musulmans ont ainsi rejeté la dissolution du Parlement. "L'Assemblée du peuple reste valide et conserve le pouvoir législatif", a affirmé le Parti de la liberté et de la justice (PLJ), bras politique des Frères musulmans, dans un communiqué. Le PLJ a par ailleurs annoncé qu'il participerait aux manifestations "contre le coup constitutionnel et la dissolution du Parlement" auxquelles ont appelé des militants pro-démocratie à partir de mardi.
Même condamnation du côté des Etats-Unis. "Nous sommes profondément inquiets par la déclaration concernant de nouveaux amendements à la Constitution, y compris par le moment (choisi pour) cette annonce alors que les bureaux de vote fermaient", a déclaré le porte-parole du ministère américain de la Défense, George Little.
La place Tahrir aux aguets
Quant à la rue égyptienne, elle reste silencieuse. Seize mois après la révolution partie de la place Tahrir au Caire, les égyptiens semblent sonnés par les derniers évènements de ce week-end."Ils ont peur de se faire une nouvelle fois avoir par les Frères musulmans, qui risquent d’être les seuls bénéficiaires du succès d’un nouveau soulèvement", déplore un révolutionnaire dans le journal La Croix.