Egypte : un cheikh ou un général ?

Dans une rue du Caire, les affiches de campagne de Ahmad Chafiq (au premier plan) et Mohammed Morsi.
Dans une rue du Caire, les affiches de campagne de Ahmad Chafiq (au premier plan) et Mohammed Morsi. © REUTERS
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avec agences , modifié à
Le candidat des Frères musulmans et l'ex-Premier ministre de Moubarak seront au second tour.

"L'Egypte, entre un cheikh et un général", résumait en Une le quotidien indépendant Al-Watan avant même l’annonce des résultats officiels du premier tour de la présidentielle égyptienne.

Les noms des deux qualifiés pour le second tour ont en effet officieusement filtré dès vendredi, créditant les deux hommes d'environ 25% des voix chacun : le Frère musulman Mohammed Morsi affrontera, les 16 et 17 juin prochain, Ahmad Chafiq le dernier Premier ministre de Hosni Moubarak.

Deux candidats aux options radicalement différentes dont le seul point commun est peut-être - près d'un an et demi après la révolte qui a mis fin à l’ère Moubarak - de ne pas être portés par les idéaux "révolutionnaires". Portraits de deux hommes dont l’un est appelé à devenir le président de l’Egypte.

Mohammed Morsi

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Mohammed Morsi, "la roue de secours" des Frères musulmans. Cet ingénieur d’une soixantaine d’années ne brille guère par son charisme. Il n’est d’ailleurs que le candidat par défaut des Frères musulmans qui lui préféraient Khaïrat al-Chater dont la candidature a été invalidée en raison d’une condamnation sous l’ère Moubarak.

Ce remplacement in extremis lui a valu le surnom peu flatteur de "la roue de secours". Le soutien du puissant réseau militant de la confrérie, qui vaut aux Frères musulmans de détenir déjà près de la moitié des sièges de députés, a néanmoins fait de lui l’un des finalistes de la présidentielle.

Anti-israélien notoire, diplômé d’une université américaine, Mohammed Morsi se présente comme le "seul candidat avec un programme islamiste". Le plus important parti fondamentaliste salafiste, al-Nour (la Lumière), lui a d’ailleurs apporté son soutien. Candidat des Frères musulmans et des islamistes, il pourrait aussi recueillir des voix chez ceux qui se refusent à voter Chafiq et donc Moubarak.

Lors d'une conférence de presse samedi soir, il a d’ailleurs promis "d'être le président de tous les Egyptiens", alors qu'une partie des électeurs craint qu'il ne serve davantage les intérêts de la confrérie islamiste que ceux du pays. Il a aussi appelé les Egyptiens à poursuivre les objectifs de la révolution.

ahmad chafiq

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Ahmad Chafiq, "le revenant" de l'ancien régime. Renversé en mars 2011 sous la pression de la rue peu après la démission du président Moubarak, le dernier Premier ministre du raïs n’a eu de cesse tout au long de la campagne de chercher à corriger son image de "revenant" de l'ancien régime.

Samedi, il a lui aussi tendu la main aux jeunes révolutionnaires aux yeux desquels il apparaît pourtant comme une figure honnie du passé, en se posant comme protecteur du soulèvement. "Il n'y a pas de place pour un retour à l'ancien régime. L'Egypte a changé et on ne peut pas revenir en arrière", a-t-il promis.

Ancien chef d'état-major de l'armée de l'air, puis ministre de l'Aviation civile, le général Chafiq avait été appelé à diriger le gouvernement dans les derniers jours de la présidence Moubarak.

Il est très soutenu parmi la communauté chrétienne copte - près de 10% de la population - inquiète face à la montée de l'islamisme, et a fait campagne sur les thèmes de la sécurité et de la stabilité pour convaincre les nombreux Egyptiens inquiets face à la crise économique et la montée de la criminalité.

Il est en revanche très impopulaire parmi les mouvements de jeunes qui ont initié la révolte anti-Moubarak l'an dernier, qui l'accusent d'être le candidat des militaires actuellement au pouvoir. Les observateurs lui donnent un léger avantage. Mais les Frères musulmans ont lancé une virulente campagne contre lui vendredi soir, l'accusant de mettre la révolution "en danger".

"Une catastrophe" dans tous les cas. Certains Egyptiens se refusent à choisir entre "le cheikh" et "le général". L'écrivain égyptien Khaled al-Khamissi, auteur du best-seller Taxi, a ainsi d’ores et déjà fait savoir qu’il boycottera le scrutin. "C'est impossible de voter, je refuse totalement les deux. Dans tous les cas, ce sera une catastrophe", analyse-t-il.

Le prochain président, qui sera élu pour quatre ans, prendra la tête d'un pays en proie depuis l'an dernier à une grave crise économique, qui s'ajoute aux fortes inégalités sociales héritées de l'ancien régime.

Ses pouvoirs sont encore imprécis, l'ancienne Constitution ayant été suspendue et la nouvelle n'ayant pas même commencé d'être rédigée en raison de blocages politiques.

L'armée, qui a pris la direction du pays après le départ de Moubarak, a promis de remettre le pouvoir au futur président avant la fin du moins de juin.