Sur les terres arides de l’île d’El Hierro, entre les lézards géants et les arbres fontaines, de drôles d’arbres ont poussé ces dernières années : cinq éoliennes ont été construites et une nouvelle centrale a été inaugurée fin juin. Son objectif, ambitieux, est de faire de cette île de l’archipel espagnol des Canaries, au large des côtes marocaines, la toute première au monde à être entièrement autonome en électricité, et ce grâce aux énergies renouvelables.
A quoi ça ressemble ? La centrale, baptisée Gorona del Viento, associe cinq éoliennes et deux bassins, l’un situé à 700 mètres au-dessus du niveau de la mer, l’autre 650 mètres plus bas. "Nous disposons d'un parc éolien d'une puissance de 11,5 mégawatts qui couvre largement la demande des habitants et de l'usine de dessalement de l'eau de mer", explique à Europe 1 Juan Manuel Quintero, le vice-président de Gorona, l'entreprise qui gère la centrale.
Et quand il n’y a pas de vent ? C’est le gros problème des énergies renouvelables : "quand il n’y a pas de vent, l’éolienne ne tourne pas et il n’y a pas d’énergie", explique à Europe 1 Laurent Peyres, responsable projets énergies renouvelables au sein du bureau d’étude Artelia. "Mais le gestionnaire de réseau, lui, doit fournir un service 24 heures sur 24. Quand quelqu’un veut allumer sa lampe n’importe quand dans la journée, il faut que l’ampoule s’allume !", poursuit-il. Résultat : il faut pouvoir stocker l’énergie pour la réutiliser dans les moments où le vent faiblit.
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"A El Hierro, on utilise une Station de transfert d’énergie potentielle (STEP). En gros, quand j’ai beaucoup de vent mais que je n’ai pas besoin de cette énergie, par exemple en pleine journée, plutôt que de la perdre, je vais pomper de l’eau dans un réservoir bas et l’amener dans un réservoir haut", décrit l’expert. "Le soir, quand j’ai besoin d’énergie, je fais la démarche inverse : on fait "turbiner" l’eau du bassin haut vers le bassin bas, comme une centrale hydroélectrique".
La présentation du projet (en espagnol) :
C’est bon pour la planète ? Ce système doit permettre à l’île volcanique, réserve de la biosphère de l’Unesco, d’éviter chaque année l’émission de 18.700 tonnes de CO2 et la consommation de 40.000 barils de pétrole. Pour l'heure, l'île doit encore faire venir un peu d'essence de l'extérieur pour "alimenter le parc automobile", explique Juan Manuel Quintero, mais à terme, l'objectif est de s'en passer : "d'ici cinq à dix ans, nous souhaitons que les habitants roulent dans des véhicules à hydrogène ou électriques", souligne-t-il.
We're ready, it is a fact. (Photo @DiarioElHIerro) #ElHierro is 100% renewable energy sources. @spain@luxury__travelpic.twitter.com/gs4jhfwbYy— El Hierro Holiday (@ElHierroHoliday) June 27, 2014
Combien ça coûte ? La centrale a coûté 80 millions d’euros. Elle appartient à 60% au gouvernement de l’île, le Cabildo, à 30% au producteur d’électricité Endesa (Enel) et à 10% à l’Institut technologique des Canaries.
Pourquoi c’est important ? L’île n’est pas encore autonome à 100% : l’énergie produite par sa centrale sera introduite progressivement dans le réseau, afin de couvrir, d’ici la fin de l’année, 100% de la demande d’électricité de l’île. Après cette échéance, El Hierro sera bien la première île totalement autonome en électricité. Le modèle intéresse à l'étranger et Juan Manuel Quintero en est fier : "avec cette centrale hydro-éolienne, nous pensons avoir apporté notre grain de sel dans la construction d'un monde plus durable et respectueux de l'environnement".
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